L’ignoble assassinat, trois ans après celui de Samuel Paty, vendredi à Arras d’un enseignant de 57 ans, Dominique Bernard, par un jeune de 20 ans d’origine tchétchène fiché S pour radicalisation, soulève la révolte et la colère. Le passé de ce jeune qualifié de « terroriste », brisé par la guerre, l’exil, la violence sociale, familiale, religieuse illustrent la misère que produit la folie de ce monde. Et comment s’étonner que le déferlement de fer et de feu sur Gaza, les propos de haine tenus contre les Palestiniens, les discours racistes d’extrême droite de Netanyahou et des intégristes religieux sionistes dont le gouvernement se dit totalement solidaire ne réveillent en retour les haines obscurantistes d’intégristes islamistes. La politique militariste du gouvernement français à laquelle l’ensemble des dirigeants des partis politiques ont donné, quant au fond, leur aval en participant à la réunion convoquée par Macron jeudi à l’Elysée, le soutien sans réserve ni retenue de celui-ci à l’État israélien et au siège de Gaza ne peuvent qu’accentuer les tensions.
Macron et Borne ont prétendu qu’ils voulaient éviter « l’importation du conflit » entre l’État israélien et les Palestiniens pour justifier l’ouverture d’enquêtes judiciaires et l’interdiction de toute manifestation pour motif de solidarité avec les Palestiniens. Il est évident que leur soutien inconditionnel à l’expédition punitive israélienne contre Gaza ne peut aboutir qu’à l’effet inverse.
Non à leur unité républicaine !
Lors de son intervention jeudi soir à la télévision, Macron a donné le ton, il a soutenu l’offensive barbare de l’État Israélien contre la population palestinienne en invoquant « le droit de se défendre » d’Israël et en refusant ce même droit au peuple palestinien qui subit depuis des décennies une véritable oppression coloniale. Il a stigmatisé la solidarité avec les Palestiniens en faisant l’amalgame entre cette solidarité élémentaire et l’antisémitisme, le terrorisme, le Hamas et appelé à serrer les rangs derrière lui dans « l’unité républicaine ».
Et maintenant le gouvernement instrumentalise les évènements dramatiques d’Arras, l’extrême droite fait des surenchères. Darmanin a décrété l’alerte « urgence attentat » et la mobilisation de 7 000 militaires. Un déploiement de forces qui vise toute la population, bien impuissant à empêcher les éventuels passages à l’acte et gestes désespérés que leur politique de stigmatisation des musulmans encourage de fait. Cette dernière ne peut qu’accélérer et intensifier les tensions.
Cette politique s’inscrit dans une logique militariste qui se renforce et s’accélère chaque jour, doublée d’une propagande sécuritaire, xénophobe, anti-migrants et d’une offensive répressive que Le Pen ne peut qu’applaudir.
Nous ne sommes pas de cette « unité républicaine » derrière Macron. Nous ne nous laisserons pas enrôler dans cette unité qui vise à nous faire taire pour nous imposer les diktats de la bourgeoisie et de son pouvoir.
Non au jeu de dupes volontaires de la conférence sociale
La lutte contre l’autoritarisme et la démagogie d’extrême droite est indissociable de la lutte pour les droits sociaux et démocratiques qui devrait être l’affaire de tout le mouvement ouvrier, des organisations syndicales en particulier de l’éducation et des organisations de jeunesse. Elle participe d’une lutte d’ensemble pour inverser les rapports de force et pour cela ne doit pas craindre de s’affronter à la propriété privée capitaliste et à son État.
Ce n’est pas la politique des directions syndicales réunies dans l’intersyndicale -CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires et FSU- qui appelaient les salariés à se mobiliser, vendredi, « contre l’austérité, pour les salaires et l’égalité femmes-hommes », selon les termes de leur communiqué commun. La faiblesse des manifestations illustre à quel point cette journée sans lendemain, appelée pour « faire pression » sur la conférence sociale du 16, ne répondait en rien aux besoins de la situation.
La dégradation de la situation sociale et politique, la guerre exigent d’autres réponses que la routine des appareils syndicaux ou de la gauche parlementaire. Un débat est indispensable au sein du monde du travail, dans nos organisations sur quelle stratégie adopter pour faire face à la guerre de tous les instants que le gouvernement et ses commanditaires capitalistes mènent contre les travailleurs, les jeunes, les pauvres, les peuples opprimés. Comment croire qu’on puisse obtenir ne serait-ce que l’augmentation des salaires et des minimas sociaux, leur indexation sur la hausse des prix, sans changer le rapport de forces entre les classes, sans remettre en cause le pouvoir des classes dirigeantes et leur système d’exploitation, le capitalisme ?
Interviewées dans La Tribune du Dimanche, les dirigeantes de la CGT et de la CFDT, Sophie Binet et Marylise Léon, dénonçaient : « plus d’un tiers des Français disent ne pas manger trois repas par jour », « plus de 40 % des branches ont des minima conventionnels inférieurs au smic », « 200 milliards d’euros d’aides publiques [sont versés] chaque année aux entreprises » et « encore 25 % d’écart entre les salaires des femmes et ceux des hommes ». Oui, mais ce n’est pas la conférence sociale du 16 octobre qui apportera la moindre réponse à la vie chère, au chômage et à la précarité, au recul général des conditions de travail et de vie.
Une des revendications essentielles des salariés aujourd’hui contre l’inflation, l’augmentation des salaires, et leur indexation sur le coût de la vie, a été repoussée par avance par la première ministre Borne quand elle a reçu cette semaine la CGT.
Alors, à quoi bon se rendre à cette conférence dite « sociale » du 16 octobre, sinon pour conforter leur rôle de partenaires du patronat et du gouvernement et pour en fin de compte avaliser leur politique, le piège du dialogue social qui rejoint celui de l’unité républicaine, l’unité nationale !
Notre unité internationaliste de classe
Les appareils syndicaux ont tourné la page du mouvement contre la réforme des retraites pour faire valoir auprès du gouvernement et du patronat leur rôle de partenaires sociaux qui négocient les reculs imposés à l’ensemble de la classe ouvrière. Ils ferment les yeux sur la situation réelle de toutes les victimes de l’exploitation capitaliste, ici et dans le monde entier, pour continuer leur routine bureaucratique, préserver leurs intérêts d’appareils qui n’ont rien à voir avec ceux des travailleurs.
Il devient de plus en plus évident que le train-train syndical ne répond pas à la situation que le capitalisme et ses serviteurs politiques ont créée par la guerre qu’ils mènent contre tout ce qui fait obstacle à la perpétuation de ce système d’exploitation failli, qui ne se survit que par la régression sociale et la guerre.
Un vaste débat s’ouvre sur les moyens de faire face à la catastrophe sociale depuis déjà longtemps en cours, à la guerre contre les peuples, à la dictature qui est en train de s’installer. Il devra discuter des voies et moyens de regrouper toutes celles et ceux qui ne veulent pas se soumettre, militants de la lutte, de la démocratie, de la solidarité internationale, du progrès et de l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes.
Galia Trépère