Netanyahu, le Premier ministre israélien à la tête d’un gouvernement d’extrême droite soutenu par des intégristes religieux, a déclaré suite à l’offensive militaire du Hamas contre l’occupation des territoires palestiniens par l’armée d’Israël « Nous sommes en guerre et nous allons gagner » et il a annoncé des représailles sanglantes « Notre ennemi va payer un prix sans précédent », préparant l’opinion à « une guerre longue et difficile ».
Il ne fait aucun doute que Netanyahu entend renverser en sa faveur la situation aussi inédite qu’imprévue créée par l’offensive militaire du Hamas qui a, étrangement, pris l’armée et les services secrets d’Israël au dépourvu. Il veut poursuivre et accentuer la pression sociale, politique, militaire exercée contre les Palestiniens dans le but illusoire de briser la résistance palestinienne tout en sauvant son pouvoir en difficulté. Gaza est en réalité une prison à ciel ouvert. La population y est condamnée à des conditions de survie insupportables, victime d’une colonisation doublée d’un véritable apartheid.
Les médias aux ordres, la majorité des politiciens, tout en menant une odieuse campagne islamophobe, soutiennent l’État théocratique et colonial d’Israël. Biden a assuré ce dernier du « soutien gravé dans le marbre et inébranlable » des États-Unis face à ce qu’il a qualifié d’« horribles attaques terroristes du Hamas » et promis une assistance militaire. L’Otan, l’UE, Macron ont suivi le même chemin.
Dans ce drame, le principal terroriste est bien l’État d’Israël qui a chassé les Palestiniens de leurs terres par la terreur avec le soutien actif des puissances occidentales, un terrorisme d’État permanent dont les Israéliens sont aussi victimes et auquel ils payent un lourd tribut tant il est vrai qu’un peuple qui en opprime un autre ne peut être un peuple libre.
La politique nationaliste du Hamas soutenu par l’Iran n’est en rien une réponse à l’oppression sanglante que subit depuis des décennies le peuple palestinien. Sa violence aveugle pourrait une fois encore être retournée contre lui par l’État d’Israël et ses alliés qui l’utilisent contre les peuples du Moyen-Orient qu’ils veulent contrôler pour en piller les richesses.
Mais invoquer le terrorisme du Hamas pour soutenir l’État d’Israël est une hypocrisie sans nom. L’offensive militaire du Hamas exprime la légitime résistance du peuple palestinien. C’est bien l’État d’Israël qui est seul responsable avec ses alliés, les grandes puissances occidentales, les USA, et l’Otan, de la guerre et de la violence au Moyen Orient, de la guerre contre le peuple palestinien soumis à l’occupation coloniale depuis des décennies.
Et ce sont ses alliés, dont la France, qui voudraient faire croire qu’ils se soucient du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes alors qu’ils mènent partout dans le monde la guerre contre les peuples pour assurer leur domination et leur droit à piller la planète.
Cette nouvelle guerre qu’engage Israël contre le peuple palestinien participe de l’escalade guerrière qui s’est emparée du monde capitaliste et s’accompagne de la militarisation du monde. Les tensions économiques, la concurrence exacerbée réveillent les vieux conflits, ces guerres sans fin engendrées par la politique des grandes puissances. La guerre d’Ukraine en a été la conséquence en même temps qu’un accélérateur. Les grandes puissances occidentales y occupent, ainsi qu’au Moyen-Orient, une place déterminante.
Biden, le dimanche 1er octobre, au lendemain d’un accord au Congrès américain sur le budget qui a suspendu la nouvelle enveloppe prévue d’aide à l’Ukraine de 24 milliards de dollars, déclarait : « Je tiens à assurer à nos alliés, au peuple américain et au peuple ukrainien qu’ils peuvent compter sur notre soutien. Nous ne nous déroberons pas ». Le 2, il organisait une visioconférence avec plusieurs dirigeants d’Etats alliés des Etats-Unis pour « coordonner la suite de l’aide à l’Ukraine », le jour même où se réunissaient, dans le même objectif et de façon exceptionnelle à Kiev, les ministres des Affaires étrangères des 27 pays membres de l’Union européenne.
Alors que des dissensions sur l’aide apportée à l’Ukraine se font entendre aux Etats-Unis comme en Europe de l’Est, les dirigeants américains et européens s’empressent d’assurer à Zelensky et aux dirigeants de l’État ukrainien qu’il n’est pas question d’abandonner leur soutien, aussi longtemps qu’il sera nécessaire.
Sur le terrain, la guerre continue son œuvre meurtrière et barbare dans les tranchées de la ligne de front à l’est et au sud de l’Ukraine. Le 5 octobre, un tir de missile russe Iskander a causé la mort de plus de 51 civils dont un enfant dans un village près de Koupiansk dans le nord-est du pays. Les troupes russes ont déclenché là une offensive pour tenter d’y ramener une partie des troupes ukrainiennes. Au sud, des frappes ukrainiennes de missiles SCALP ont détruit il y a une quinzaine de jours un sous-marin et un navire russes, ainsi que le quartier général de la flotte russe à Sébastopol en Crimée.
Craquements dans le front des alliés de Biden et de Zelensky
La presse a longuement commenté les dissensions apparues ces dernières semaines en Pologne, en Slovaquie ou aux Etats-Unis au sujet de la poursuite de l’aide à l’Ukraine. « La trahison polonaise », titrait le 22 septembre un éditorial des Echos écrit par Lucie Robequain, alors que, le 19 septembre, Zelensky s’en était pris à la Pologne à la tribune des Nations Unies en déclarant « Certains pays feignent la solidarité [à l’égard de l’Ukraine] en soutenant indirectement la Russie », après que le premier ministre polonais avait affirmé que la Pologne ne livrerait plus d’armements à l’Ukraine. Le conflit avait éclaté à propos de la question des céréales ukrainiennes dont l’importation faisait concurrence aux agriculteurs polonais. La Pologne est un des pays qui a livré le plus d’armements à l’Ukraine, après les USA et les pays de l’Europe de l’Ouest, des centaines de chars et de blindés, des hélicoptères, des lance-roquettes et des missiles sol-air, de fabrication russe, et elle est un couloir vers l’Ukraine pour la livraison des armements qui lui sont destinés. Les relations entre les deux pays se sont apaisées depuis mais les déclarations polonaises étaient aussi suscitées, comme en Slovaquie, par un souci de faire valoir son rang auprès de l’Otan et des USA, et une préoccupation électoraliste à la veille d’élections générales.
En Slovaquie, pays lui aussi concerné par la concurrence des céréales ukrainiennes, membre comme la Pologne de l’Otan et lui aussi un des fournisseurs de l’armée ukrainienne, le populiste Robert Fico, vainqueur aux dernières élections législatives, a fait le choix de s’allier à un petit parti d’extrême droite pour former un gouvernement. « La Slovaquie et ses habitants ont des problèmes plus importants que l’Ukraine », déclarait-il pendant la campagne électorale, s’affirmant favorable à des « pourparlers de paix » entre Kiev et Moscou.
Aux Etats-Unis, la minorité trumpiste au Congrès s’est opposée à la nouvelle enveloppe de 24 milliards de dollars destinées à l’Ukraine - qui s’ajouterait aux 114 milliards déjà versés - déclarant que cet argent devrait plutôt servir à renforcer la frontière entre les États-Unis et le Mexique contre les migrants. Et son représentant Matt Gaetz, de déposer une motion qui a entraîné la destitution du président de la Chambre des représentants, Mc Carthy. Biden, tout en annonçant la poursuite de la construction du mur à la frontière mexicaine qu’avait lancée Trump, a assuré qu’il continuerait l’aide des Etats-Unis à l’Ukraine.
Les dissensions entre ces représentants politiques des classes dirigeantes sont le reflet du mécontentement suscité dans les populations par l’aggravation de la crise et les politiques des gouvernements voués aux intérêts des actionnaires des grands groupes capitalistes. Faute d’une autre perspective, que ne donne nulle part le mouvement ouvrier, l’extrême droite peut dévoyer cette inquiétude et cette révolte dans la haine des migrants et de tout ce qui peut apparaître comme un soutien à l’étranger en flattant le nationalisme.
Le gouvernement Zelensky fragilisé
Et comment pourrait-il en être autrement alors que la guerre est appelée à durer, une guerre sans fin puisque Zelensky, les Etats-Unis et leurs alliés ont comme seul mot d’ordre « Troupes russes hors d’Ukraine », le retour aux frontières de 1991 ? Depuis les premiers moments de la guerre en 2014, les alliés occidentaux n’ont jamais proposé ni réellement cherché une possible issue négociée. Les accords de Minsk n’ont jamais été appliqués.
La prétendue « guerre de libération » que serait la guerre d’Ukraine, révèle son vrai visage. Le limogeage de l’ancien ministre de la Défense, Reznikov, et de l’ensemble des officiers du recrutement militaire il y a quelques semaines, les accusations portées contre plusieurs oligarques, ne font que révéler la corruption de l’État ukrainien. Pendant que les travailleurs, les pauvres, sont réquisitionnés pour une guerre meurtrière, on s’enrichit, grâce à cette guerre même, dans les sommets de l’État et de la bourgeoisie ukrainiens. Les hommes sont mobilisables de 18 à 60 ans et beaucoup essaient d’échapper à cet enrôlement forcé. La police les traque dans les rues ainsi que toutes celles et tous ceux qui semblent exprimer, de façon aussi minime soit-elle, un désaccord avec la guerre. La dictature est certes moins brutale que celle de Poutine, mais de là à pouvoir incarner la démocratie et la liberté, alors que sévit la loi martiale contre toute revendication sociale et démocratique, c’est bien autre chose.
D’autant que se révèle aussi l’influence de l’extrême droite dans les rangs de l’État. Pendant la visite de Zelensky au Canada le 25 septembre, le président de la Chambre des communes canadien a fait applaudir un vétéran ukrainien de 98 ans, Yaroslav Hunka, présenté comme un héros de l’Ukraine face à l’Union soviétique pendant la deuxième guerre mondiale. Il s’est révélé que cet homme avait servi dans les unités de SS qui ont organisé des massacres de Juifs en Ukraine pendant la Deuxième guerre mondiale. Le scandale a été tel que le politicien canadien, qui a déclaré avoir ignoré à qui il avait affaire, a démissionné.
Le mythe de Zelensky et du pouvoir des oligarques défenseurs des droits du peuple s’effrite inévitablement devant la réalité de la guerre par procuration dans laquelle ils ont engagé leur peuple pour le compte de l’Otan.
Une Europe otanisée pour une guerre sans fin ?
« Vladimir Poutine voulait la finlandisation de l’Europe, mais avec l’entrée de la Finlande et de la Suède dans l’Otan, il obtient l’otanisation de l’Europe », avait déclaré Biden fin juin 2022 lors du sommet de l’Otan à Madrid. Les pays membres de l’Otan y avaient adopté un nouveau concept stratégique dicté par les USA désignant la Russie comme la « principale menace » à la sécurité de l’espace euroatlantique mais aussi la Chine comme une puissance qui défie « les intérêts, la sécurité et les valeurs » de l’Alliance.
Le dernier sommet de l’Union européenne, le 6 octobre à Grenade, devait lancer la perspective d’un élargissement de l’UE dans la prochaine décennie, à huit ou neuf nouveaux membres, cinq ou six états des Balkans, la Géorgie, La Moldavie et l’Ukraine. « Longtemps guidé par l’espoir et la prospérité, commentait la veille l’éditorialiste des Echos, Lucie Robequain, l’élargissement de l’Union l’est aussi par la peur désormais. Les pays à la périphérie de l’Europe sont courtisés par la Russie, la Chine et, dans une moindre mesure, la Turquie. Les faire entrer dans l’Europe est le seul moyen d’assurer leur souveraineté. »
Il y a loin du dire au faire, mais la perspective est tracée, dans le cadre des objectifs poursuivis par les Etats-Unis pour rallier le maximum d’Etats à leurs visées stratégiques contre la Chine. De la même façon que la guerre d’Ukraine était préparée depuis 2014 par l’Otan, l’armée ukrainienne étant équipée et entraînée depuis l’annexion de la Crimée. La Grande Bretagne, qui avait formé 22 000 soldats en Ukraine jusqu’en février 22, puis en Grande-Bretagne après l’agression russe, envisagerait aujourd’hui d’envoyer à nouveau ses instructeurs en Ukraine.
Le 25 septembre, Zelensky annonçait que les premiers chars Abrams, équipés de munitions à uranium appauvri, parmi les 31 promis par les Etats-Unis, avaient été livrés à l’Ukraine. Comme seront probablement livrés par ces derniers des missiles ATACMS d’une portée de plus de 300 kilomètres - comme les SCALP livrés par la France et la Grande Bretagne - et des avions de chasse F16. L’Otan va envoyer en Lituanie deux de ses avions de détection AWACS, qui peuvent couvrir une superficie de 310 000 kilomètres carrés, afin de surveiller les mouvements de l’armée russe.
Le retour des conflits militaires en Azerbaïdjan-Arménie où s’affrontent des intérêts turcs, iraniens et russes mais aussi occidentaux à propos entre autres du Haut Karabakh et dans l’ex-Yougoslavie à propos du Kosovo pourrait bien entraîner une extension de cette guerre, comme pourraient se rallumer des conflits « gelés » entre l’Inde et le Pakistan au Cachemire, ou entre l’Inde et la Chine alors que se perpétuent les guerres en Afrique, en Syrie...
Le nouvel épisode aigu de la guerre permanente d’Israël contre le peuple palestinien aura des répercussions internationales importantes. Il renforce l’escalade militariste mondialisée dont la guerre d’Ukraine a été un accélérateur et constitue un nouveau pas dans la généralisation de la guerre.
Combattre notre propre gouvernement et sa politique guerrière
Il faut « défendre le pré carré français », disait cyniquement le ministre de l’armée Lecornu dans une interview sur France Info le 29 septembre dernier, en évoquant l’installation d’entreprises françaises, en même temps que d’autres entreprises européennes, pour fabriquer, entretenir et réparer le matériel militaire directement sur le sol ukrainien. Le gouvernement français se réjouit à l’idée de « vendre » et plus seulement donner ces armements, comme de prendre part à la reconstruction. Comme tous les alliés des Etats-Unis, il défend, dans le cadre de cette alliance, ses intérêts nationaux, c’est-à-dire ceux de ses capitalistes.
Mais son état-major se prépare aussi, comme on ne cesse de nous le répéter, aux guerres de haute intensité qu’il faudra, à plus ou moins long terme, mener. C’est ainsi que le nouveau chef d’État-major de l’armée de terre, Pierre Schill, se demande si la population française serait prête à faire les sacrifices nécessaires, en prenant l’exemple des 3600 morts et blessés par jour dans la guerre d’Ukraine.
Il est bien vrai que l’arrêt de la guerre d’Ukraine sera imposé par la fraternisation des travailleurs russes et ukrainiens contestant le pouvoir tant de Poutine que de Zelensky qui a intégré son pays aux dispositifs économique et militaire des vieilles grandes puissances impérialistes. Notre solidarité passe par la dénonciation des mensonges d’État qui présente cette guerre comme une lutte de libération alors qu’au prix de terribles souffrances le peuple ukrainien est transformé en chair à canon pour les intérêts des oligarques ukrainiens et de leurs soutiens occidentaux. Notre solidarité, notre responsabilité est de combattre notre propre gouvernement, qui est engagé dans cette guerre comme il soutient la guerre d’Israël contre le peuple palestinien, sa politique belliciste et sa propagande mensongère.
La machine guerrière qui s’est mise en route à travers le monde aura un coût élevé pour l’ensemble des travailleurs, elle a une logique qui conduit à la mondialisation de la guerre. Cette logique peut être enrayée, elle n’est pas une fatalité. Elle porte aussi la perspective de révoltes de masse dont on peut voir les premiers signes avant-coureurs en Ukraine, au Moyen Orient… Ici, aussi dans nos propres combats.
Galia Trépère