Face à la catastrophe climatique, Elisabeth Borne a présenté lundi dernier, la dérisoire « planification écologique » du gouvernement Macron : 10 milliards d’euros saupoudrés en direction des entreprises du transport, du bâtiment, de l'industrie. Derrière le bluff écologique, c’est dans la continuité de leur « transition écologique », un détournement de l’argent public pour financer, à coup de subventions et autres primes à l’achat, les multinationales. Toutes comme par exemple celles de l’automobile sont sur les rangs pour l’énorme marché que représente cette transition quitte au passage à utiliser l’argument écologique avec des primes sélectives pour faire du protectionnisme contre les constructeurs chinois de voitures électriques !

L’écologie est utilisée, dévoyée par tous les gouvernements, comme par les multinationales pour nous vendre leur capitalisme vert, leur finance verte... leurs profits verts ! Tous les partis institutionnels s’en servent pour nous resservir la même vieille recette usée du bon programme, des bonnes réformes qui doivent permettre de changer le monde en votant pour eux et en subventionnant le capital ! Et jusqu’au RN qui cherche à détourner les réelles et bien justifiées inquiétudes d’une large fraction de la population face à la crise écologique qui se combine à la crise économique, sur le terrain d’un « nationalisme écologique » d’autant plus absurde et réactionnaire que le changement climatique ne connaît pas les frontières pas plus d’ailleurs que la crise économique !

Le décalage est de plus en plus profond entre ce greenwashing généralisé des classes dominantes et de leurs serviteurs et la réalité de la catastrophe en cours qui impacte de plus en plus violemment les populations à travers le monde.

« L’effondrement climatique a commencé », déclarait début septembre, António Guterres, le secrétaire général des Nations unies, après l’annonce que les mois de juin, juillet et août 2023 ont été les plus chauds jamais connus par l’humanité. « Notre climat implose plus vite que nous ne pouvons y faire face, avec des phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent tous les coins de la planète »…

Les classes dominantes sont tout autant incapables d’y faire face que de protéger les populations face à des catastrophes naturelles comme le séisme qui a frappé le Maroc. Si les séismes sont imprévisibles, les régions sismiques, comme celle de l’Atlas, sont bien connues, et la population marocaine a été avant tout victime de la misère, de l’absence d’investissement pour préparer la région en la dotant des infrastructures nécessaires pour faire face à une telle catastrophe.

Cet été les phénomènes météorologiques extrêmes se sont succédé aux quatre coins du globe avec une cadence effrénée, incendies géants (au Canada, à Hawaï, en Grèce, en Algérie), tempêtes historiques avec des pluies torrentielles (au Chili, en Inde, au Pakistan, ...) jusqu’à la terrible catastrophe qui a ravagé la ville de Derna en Libye entraînant des milliers de morts et disparus et plus de 40 000 personnes réduites à fuir, d’autant que le risque est grand de voir se développer des épidémies.

Libye, une catastrophe naturelle aggravée par les destructions du capitalisme et de la guerre

La catastrophe en Libye illustre comment les multiples crises liées à la faillite du capitalisme se combinent en une logique infernale pour les populations, aggravée par l’incurie des classes dominantes, incapables d’y faire face autrement que par une fuite en avant mortifère.

Les inondations en Libye sont la conséquence de la tempête Daniel, un cyclone subtropical méditerranéen qui a aussi touché la Grèce, la Turquie, Chypre et qui fait partie de ces évènements extrêmes dont la fréquence augmente du fait du réchauffement climatique. Mais le nombre effroyable de victimes est surtout dû à la rupture des barrages de Derna et de Mansour qui depuis 1998 présentaient des fissures qui n'ont jamais été réparées du fait de la situation chaotique et de la misère qui règnent en Libye. L’intervention militaire de 2011 déployée par une coalition internationale au premier rang de laquelle se trouvaient la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, pour renverser le dictateur Kadhafi a eu surtout pour conséquences d’aggraver la misère des populations comme la corruption généralisée qui déstabilise un pays désormais déchiré entre différents chefs de guerre chacun monnayant pétrole et rétention de migrants auprès des grandes puissances.

Dans les jours qui ont suivi la catastrophe de Derna, des milliers de migrants sont arrivés depuis les côtes de Tunisie et de Libye sur la petite île italienne de Lampedusa fuyant l’accentuation de la crise économique comme de la crise climatique... et se retrouvant confrontés à la politique criminelle de fermeture des frontières des Etats européens.

Crise climatique, crise économique, crise politique se combinent contre les peuples car la mondialisation capitaliste en même temps qu’elle a ravagé l’environnement et fait exploser les inégalités sociales et la misère, a aussi déstabilisé tous les rapports internationaux, accentué la concurrence économique entre les pays, exacerbant les tensions internationales jusqu’à la guerre en Ukraine, et entraînant une montée des politiques réactionnaires et du militarisme dans tous les pays du globe.

Avec l’accélération du réchauffement climatique, les évènements catastrophiques, incendies, inondations, orages mais aussi pandémies vont se multiplier. S’il n’est plus possible de l’empêcher, l’urgence devrait être de s’y préparer en les anticipant, en mobilisant pour cela les moyens matériels et humains suffisants pour protéger les populations, ou si ce n’est plus possible, leur permettre de fuir les régions les plus dangereuses pour se mettre à l’abri. Il faudrait penser à l’échelle du monde une politique reposant sur la coopération internationale entre les peuples, par-delà les frontières, pour que chacun puisse bénéficier de l’indispensable sécurité pour pouvoir vivre dignement, face à une menace qui touche avant tout les populations les plus pauvres, les plus vulnérables.  

Une telle politique mondiale au service des intérêts des populations, à court terme comme à plus long terme, impliquerait de ne pas en rester aux grands discours hypocrites et cyniques sur la « transition écologique » comme Macron et le roi d’Angleterre ont fait étalage cette semaine, mais de s’attaquer aux causes profondes de la crise climatique.

Les gouvernements et les États sont bien incapables de s’attaquer à ses causes réelles, pas plus qu’ils ne sont capables d’enrayer la crise économique, la faillite globale du système capitaliste. Toute leur politique n’est qu’une fuite en avant, soumise aux intérêts des classes dominantes, aux lois aveugles du marché et de la concurrence, à cette logique absurde d’accumulation sans limite du capital.

Crise économique et crise écologique, une seule et même crise, celle du capitalisme sénile mondialisé

Le système capitaliste en imposant à l’ensemble de la planète, avec la mondialisation, sa logique productiviste dont le seul moteur est le profit, est responsable de l’accélération et de l’ampleur prise par le réchauffement climatique qui menace l’avenir même de l’humanité.

Confronté à ses propres contradictions internes comme aux limites des ressources naturelles, il est incapable d’échapper à sa propre logique, de se soustraire à la loi du marché, à la concurrence, quel qu’en soit le prix payé par les populations ou l’environnement.

C’est pour cela qu’il est aussi le principal obstacle pour enrayer l’accélération de ce réchauffement, ce qui impliquerait, par exemple, d’obliger une multinationale comme Total à renoncer aux faramineux profits générés par les énergies fossiles, alors qu’en réalité elle multiplie les projets contre les peuples et l’environnement comme en Ouganda ou avec ses projets de plateformes offshore au large de l’Angola.

Et il est aussi incapable de faire face aux conséquences des catastrophes climatiques, incapable de protéger les populations ou ne serait-ce que de les accueillir quand elles fuient les conséquences de ces catastrophes.

Le capitalisme sénile est plus que jamais prédateur, il ne se survit qu’au prix d’une intensification du pillage du travail humain comme de la nature.

C’est pour cela que loin d’être un problème à part, déconnecté de la crise actuelle du capitalisme mondialisé, la crise écologique est un puissant révélateur du caractère global, universel de cette faillite. L’accélération de la crise climatique est la conséquence de cette logique des classes dominantes et il serait bien illusoire de penser qu’elle pourrait se résoudre par des solutions techniques, dans le cadre de ces conférences internationales où les chefs d’Etat alignent les phrases creuses et les engagements de papier ou dans les conseils d’administration de multinationales qui cherchent à nous vendre leur capitalisme vert.

La crise écologique, pas plus que la crise économique n’échappent à la réalité de la guerre de classe que les classes dominantes mènent avec de plus en plus de violence... elles sont des manifestations de la même crise globale du capitalisme, de la faillite historique d'un système et de l’impasse que constituent aujourd’hui les Etats et les institutions qui le défendent.

Ni croissance verte, ni « décroissance », en finir avec la folie d’un mode de production dépassé

Comprendre que le réchauffement climatique est intimement lié aux contradictions du capitalisme est indispensable pour pouvoir réellement s’attaquer aux racines du problème. C’est comprendre qu’il n’y a pas d’issue à cette crise dans une quelconque « croissance verte » ou à l’inverse dans une décroissance, une « sobriété » volontaires ou pas qui resteraient dans le cadre du système capitaliste...

Derrière les annonces autour de la « transition écologique », du « Green New Deal », ou de la « planification écologique » du gouvernement, derrière ce mensonge qu’il serait possible de transformer le capitalisme, de le rendre non polluant grâce au progrès des sciences et des techniques, il y a surtout des multinationales de l’industrie et de la finance qui espèrent bien profiter de la manne des subventions publiques pour continuer à faire du profit. Mais vert ou pas le capitalisme est incapable de produire pour satisfaire les besoins réels des populations comme de répondre aux problèmes qui se posent à l’ensemble de la société. Dans le système capitaliste, la production n’a d’autre but que de produire des marchandises, utiles ou pas, pour les vendre. C’est cette logique capitaliste qui conduit à produire pour produire, à produire pour faire du profit, et qu’importe ce qui est produit ! Ce productivisme capitaliste est tout autant ravageur quand s’il s’agit de produire des voitures à essence que des voitures électriques ou même des éoliennes, car il ne vise pas à répondre à des besoins réels, consciemment décidés mais à « valoriser des chaînes de valeur », en clair à faire du profit.

Cette logique folle a conduit avec la mondialisation à une marchandisation de toutes les activités humaines y compris des activités aussi vitales que l’agriculture, la production alimentaire, la santé, l’éducation... les soumettant à une logique de rentabilité, de productivité, de croissance capitaliste qui ne peut conduire qu’à des catastrophes sociales et écologiques.

Mais à l’inverse penser qu’il serait possible de contenir le productivisme du capitalisme, en réduisant volontairement la consommation, par une « sobriété volontaire », une « décroissance » sans remettre en cause les lois du marché, la production de marchandises, la propriété capitaliste qui sont le fondement du mode de production capitaliste, est une illusion. La seule décroissance que connaisse le capitalisme périodiquement, du moins pour une partie de la population, est la conséquence de la crise économique, de la récession, de l’inflation, de l’explosion des inégalités sociales, de l’extension de la misère à travers le monde.

La faillite globale du système, la spirale infernale de crises sociales, écologique, économiques pose la question de la nécessité et de la possibilité du changement du mode de production, c’est-à-dire fondamentalement de la transformation des rapports de propriétés pour permettre à l’ensemble de la société de produire consciemment, rationnellement, par son travail collectif ce dont elle a besoin pour vivre dans le respect des limites de son environnement.

Face à la catastrophe annoncée, prendre le contrôle de la marche de la société

Il n’y a pas d’autres issue que de rompre avec cette logique infernale de l’accumulation du capital, du profit, de la concurrence qui domine toute la vie sociale, toutes les politiques des Etats, une logique absurde et mortifère qui ne peut qu’accentuer la rupture entre la société humaine et son environnement.

Face aux catastrophes annoncées, mobiliser tous les moyens humains, scientifiques, techniques pour mettre en œuvre des politiques visant à protéger, préparer les populations implique d’affronter les intérêts sociaux et politiques des classes dominantes, d’une poignée de multinationales et de leurs actionnaires, de remettre en cause la propriété capitaliste.

Le caractère mondial de la crise climatique, écologique, appelle des réponses mondiales, concertées, planifiées à l’échelle internationale. Des réponses qui nécessitent de faire passer l’intérêt général à long terme avant les intérêts à courte vue des classes dominantes et des gouvernements à leur service, de reprendre le contrôle de toute l’organisation économique pour la sortir de la logique capitaliste. Elles impliquent d’en finir avec les cadres nationaux et les rivalités entre Etats, avec la concurrence économique, la fuite en avant dans la course à la productivité, à la compétitivité.

De tels bouleversements sont possibles car, malgré le parasitisme du capitalisme, les progrès, le développement des moyens de production et du prolétariat à l’échelle mondiale ont créé les conditions et possibilités matérielles d’y parvenir.

Jamais en effet la contradiction n’a été aussi profonde entre l’énorme potentiel de progrès, d’accroissement du temps libre, rendu possible par les sciences et les techniques, par une production moderne assurée par le travail social d’une classe ouvrière jeune, instruite, féminisée, interconnectée, et l’archaïsme, le parasitisme de cette propriété capitaliste qui permet à une poignée de multinationales de soumettre toute la vie sociale aux seuls intérêts de leurs actionnaires.

L’impasse insupportable que représente une telle contradiction est aussi en réalité porteuse d’espoir car elle ne peut qu’être un accélérateur des évolutions de conscience, de l’émergence de nouvelles aspirations à la démocratie, à l’accès au progrès, elle ne peut qu’engendrer de la contestation, de la révolte, et c’est bien cette révolte sociale qui est porteuse de la rupture possible et nécessaire avec le capitalisme en toute indépendance de ses institutions.

Ce n’est qu’en rupture avec l’ordre social actuel, en prenant directement, collectivement le contrôle de la marche de la société à travers une réappropriation collective de la production que pourront être imposés d’autres choix sociaux, permettant une réorganisation de l’ensemble du mode de production et des échanges, une transformation de toute l’organisation sociale qui permette d’instaurer des rapports sociaux favorables au libre développement de chacun en harmonie avec notre environnement.

Bruno Bajou

 

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