Douze heures de réunion à huis clos entre Macron et les chefs des partis parlementaires, de LFI au RN, mercredi 30 août à Saint-Denis… Que pouvait-il sortir de cette farce alors que Macron, discrédité, affaibli, sans majorité au parlement tentait de reprendre la main dans le jeu politique, en jouant les rassembleurs ?

L’occasion pour le RN et la droite d’exercer leur pression xénophobe et réactionnaire, sur « les questions de violences de la drogue qui gangrènent nos territoires, du communautarisme, de l’immigration ». (Ciotti)

La NUPES qui promettait d’en partir s’est finalement complaisamment prêtée à l’exercice jusqu’au bout, affichant l’hypocrite déception que Macron ait balayé d’un revers de main ses propositions alors que, fort de sa victoire sur les retraites, il n’avait organisé cette mascarade que pour les mettre à sa main ! Ridicules, ils espéraient « des annonces ». Grotesque conclusion du secrétaire du PCF Fabien Roussel, « se parler, c’est déjà une bonne chose » ! Tous sont disponibles pour un nouveau jeu de dupes, la Convention sociale « sur les carrières et les branches situées sous le salaire minimum » annoncée par Macron à l’issue de la rencontre de Saint-Denis. Et ils n’ont pas eu la moindre critique ni même réserve sur la guerre par procuration menée contre la Russie en Ukraine ni sur la politique française en Afrique sur lesquelles Macron a ouvert la réunion, union nationale oblige...

Macron-Darmanin dans la peau de Le Pen

La farce politicienne du dialogue et du consensus d’un Président sans majorité voudrait donner le change alors que Macron reprend à son compte et se fait le défenseur de tous les préjugés réactionnaires, fonds de commerce de l’extrême-droite. Dans le fatras de ses annonces de rentrée, il a mis en avant son ambition de « réduire significativement l'immigration ».

Il propulse Darmanin qui se présente comme un rempart face à Le Pen en faisant sa politique.

Instrumentalisant la laïcité, l’annonce faite par Gabriel Attal, nouveau ministre de l’éducation, de l’interdiction des abayas à l’école n’est pas seulement une manœuvre de diversion mais participe de cette surenchère xénophobe et raciste qui vise à entretenir sur ce terrain pourri un climat de tension permanent. Macron en a rajouté pour affirmer qu’il serait « intraitable », c’est à dire qu’il en ferait une campagne politique au nom de la défense de « nos valeurs » qui, dans le contexte d’offensive belliciste des USA et de l’Otan, ne peut manquer de rappeler le thème d’extrême droite de la défense de l’Occident.

Embrigader et mettre au pas la jeunesse

L’offensive idéologique réactionnaire de Macron-Darmanin vise particulièrement la jeunesse.

Sa révolte, sa puissance de contestation leur fait peur et ils entendent la mettre au pas, l’embrigader derrière les « valeurs républicaines » bourgeoises, exigeant de l’école et des enseignant·e·s qu’ils en soient les exécutant·e·s. Plutôt que mettre tous les moyens matériels et humains pour lutter contre l’échec scolaire, les 20 % d’enfants qui entrent en sixième sans savoir lire ou écrire, Macron cherche à « restaurer l’autorité de l’école », en faire un lieu de discipline, de militarisation avec l’instauration du SNU, le service national universel, de contrôle des esprits et des corps, avec l’interdiction de l’abaya et le retour de la discussion sur le port de l’uniforme.

La jeunesse des classes populaires, dont la révolte après l’assassinat du jeune Nahel par la police en juin a été violemment réprimée par la police et des tribunaux d’exception, est poussée en masse vers l’apprentissage et les stages en entreprises pour les jeunes des lycées professionnels, pour répondre aux besoins du patronat.

L’offensive contre le monde du travail s’intensifie

La mascarade du « dialogue constructif » de Macron est d’autant plus hypocrite qu’il a déjà annoncé clairement les nouvelles attaques qu’il prépare contre le monde du travail et les classes populaires.

Au nom de la dette abyssale de l’État creusée par le « quoi qu’il en coûte » qu’il faudrait maintenant rembourser, ce sont les travailleur·e·s que le gouvernement veut faire payer, en s’en prenant aux dépenses sociales.  

Les franchises médicales vont doubler (pharmacie, consultations, laboratoires...) et les arrêts-maladie seront plus contrôlés. La réforme de l’assurance chômage, qui va se poursuivre et se durcir dans les mois qui viennent, réduit de 25 % l’indemnisation des chômeurs et les conditions d’accès à celle-ci, tandis que Macron prépare sa réforme du marché du travail « pour produire plus en travaillant davantage ».

Alors que les prix de l’alimentaire, des carburants et de l’électricité continuent de grimper, l’inflation, loin de reculer comme l’annonçait Bruno Le Maire pour septembre, ruine le pouvoir d’achat des classes populaires. La hausse de 10 % des prix de l'électricité au 1er août, à laquelle s’ajoute celle des prix du carburant, a fait bondir les prix de l'énergie de 6,8 % sur un an, les patrons de l’énergie comme de la grande distribution s’assurant des super profits en continuant de faire monter les prix. Quant aux promesses démagogiques du gouvernement qu’il n’y aura pas de hausses d’impôts, elles sont démenties par l’explosion de la taxe foncière, jusqu’à 59 % de plus à Paris.

Les profits explosent

Le gouvernement rend responsable de l’explosion de la dette de l’Etat le soutien et la protection qu’il aurait apportés aux travailleurs et à la population alors qu’il n’a fait que protéger les profits des grands groupes capitalistes à coup de dizaines de milliards. Les bénéfices des entreprises du CAC40 n’en finissent pas de battre des records, près de 80 milliards d’euros pour le seul premier semestre de 2023, en hausse de 10,5 % par rapport au premier semestre 2022.

Et le gouvernement assure que cela va continuer. « Nous continuerons à baisser les impôts des entreprises dans les années qui viennent, je ne veux laisser aucun doute sur ce sujet » a promis Bruno Le maire aux patrons à l’université d’été du Medef. La CVAE, contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, sera définitivement supprimée en 2027.

En toute indépendance des jeux politiciens et du dialogue social, mener notre propre combat

L’offensive politique, idéologique, sociale du pouvoir, de la droite et de l’extrême droite vise à nous mettre au pas, à étouffer la vague de contestations qui les a paniqués, pour nous imposer leur économie de guerre, la guerre qu’ils mènent pour les profits et les intérêts du grand patronat et des multinationales, en Ukraine aux côtés de Biden et de l’OTAN, et sur tous les terrains en Afrique où les tensions créées par leur politique pourraient aussi déboucher sur des interventions armées.

Alors que les travailleurs et la jeunesse ont à faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie, de l’alimentation, du logement -2 000 enfants et leurs familles dorment à la rue-, aux salaires qui ne suivent pas, l’intersyndicale appelle « à une journée de mobilisations et de manifestation le vendredi 13 octobre contre l’austérité et pour l’augmentation des salaires, des pensions et l’égalité femme-homme ». Une nouvelle journée d’action, après les 14 journées d’action contre la réforme des retraites qualifiées non sans cynisme par Berger de « stratégie perdante », ne peut être une réponse pour le monde du travail. L’intersyndicale refuse d’aller à l’affrontement avec Macron et les patrons, renvoyant les travailleurs à leur entreprise en appelant « les employeurs à ouvrir des négociations », Marylise Léon, la nouvelle numéro un de la CFDT, se défendant de vouloir « prendre une revanche contre Macron ».

La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a déclaré défendre « plus que jamais un meilleur partage de la richesse produite… », un leurre alors que les besoins de profit du capital exigent la surexploitation des travailleurs et des peuples et posent le problème de qui dirige la société.

Les longs mois de lutte contre la réforme des retraites, pour les salaires, contre l’exploitation de la terre, contre la répression… ont fait prendre conscience à nombre de travailleur·e·s, de jeunes de la nécessité de rompre avec les appareils et cadres institutionnels politiques et syndicaux, de prendre nos affaires en main pour diriger nous-mêmes nos luttes et demain la société. C’est cette conscience qu’il nous faut continuer à faire vivre et développer dans nos AGs de lutte, nos collectifs, nos interpros, parmi les équipes syndicales pour les luttes à venir, pour opposer à l’effondrement économique capitaliste et à la guerre la perspective de la réorganisation démocratique et socialiste de la société.

Christine Héraud

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