Le 22 juin, une embarcation partie de Tunisie, transportant des migrants d'Afrique subsaharienne, faisait naufrage au large de l’île de Lampedusa, faisant une quarantaine de disparus dont au moins un nouveau-né. Le même jour, au large des Canaries, 350 personnes étaient secourues alors que plusieurs embarcations y avaient fait naufrage les jours précédents, faisant plusieurs morts dont des femmes enceintes. Une autre embarcation y est portée disparue depuis le 11 juin, avec à son bord 58 migrants partis du Maroc pour rejoindre l’Espagne.

Des drames qui surviennent quelques jours après la mort d’au moins 650 migrants syriens, égyptiens, pakistanais, palestiniens, dont de nombreuses femmes et une centaine d’enfants, dans le terrible naufrage d’un chalutier au large des côtes grecques, au vu et au su des autorités et des garde-côtes. Seules 104 personnes ont survécu, détenues depuis au secret dans un camp.

Le silence assourdissant qui entoure ces catastrophes, l’indifférence des gouvernants et des médias sont d’autant plus choquants quand on voit les moyens déployés pour tenter de retrouver le sous-marin de « tourisme » Titan à 250 000 euros la place et l’attention portée à ses 5 passagers. Toute vie humaine mérite d’être secourue, mais dans cette société corrompue par le fric toutes les vies ne se valent pas.

Le 20 juin dernier, décrété par l’ONU « journée mondiale des réfugiés », Macron recevait à l’Elysée la présidente du conseil italien, Meloni. S’adressant à sa « chère Giorgia », il expliquait cyniquement vouloir « organiser plus efficacement l’asile et les migrations en Europe en étant fidèles à nos valeurs ». « J’ai bon espoir qu’à partir d’aujourd’hui, nous allons pouvoir travailler encore mieux et encore plus ensemble » a aimablement répondu Meloni que Darmanin avait il y a peu accusée d’être « incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue ».

Ce même jour, à Paris, 450 jeunes migrants mineurs qui s’étaient installés avec des tentes devant le Conseil d’État, accompagnés de bénévoles d’associations, étaient brutalement délogés par 200 policiers. Ils entendaient dénoncer leur situation et demander la prise en charge prévue par la loi alors qu’ils squattent depuis des mois une école désaffectée. Incapable d’assurer le minimum dû à ces adolescents et d’appliquer ses propres lois, l’Etat choisit la répression pour tenter de masquer sa défaillance.

La répression, les murs et garde-côtes, les camps sont leur seule réponse au combat de centaines de milliers, de millions de jeunes déterminés à vivre, à échapper à la misère et aux drames que provoque le capitalisme d’un bout à l’autre du globe. Dans le monde « chaque minute, 20 personnes doivent tout abandonner pour échapper à la guerre, à la persécution ou à la terreur » estime l’ONU.

Surenchères et rivalités réactionnaires au service de la bourgeoisie

Dépassées par les conséquences de leur propre système, les classes dominantes intensifient les politiques réactionnaires pour tenter de retarder l’explosion sociale.

Tandis que Darmanin et Ciotti négocient une majorité pour voter la loi immigration, pas un jour sans une surenchère. C’est à qui fera le tweet le plus sordide après chaque fait divers dramatique. L’indécence est totale, les démagogues se sentent pousser des ailes, cultivant les pires préjugés, lancés dans une fuite en avant et une concurrence effrénées pour tenter de diviser les exploité.e.s.

Ce week-end, Darmanin était à Mayotte pour intensifier sa campagne raciste, anti-pauvres et l’ignoble opération Wuambushu pour « faire de Mayotte la plus belle île de France » !

Cela n’a pas empêché Macron ce 18 juin de faire cyniquement l’éloge de Missak Manouchian, immigré arménien apatride, militant communiste exécuté avec ses camarades étrangers en février 44 : « Sa bravoure singulière, son élan patriote dépassant toutes les assignations, son héroïsme tranquille […] constituent une source d’inspiration particulière pour notre République »… Le même Macron avait envisagé en 2018 d’inclure Pétain, « un grand soldat », à l’hommage qu’il rendait aux chefs militaires de la Première Guerre Mondiale, avant d’y renoncer.

Il y a quelques jours, sous prétexte de lutter contre la fraude aux prestations sociales, son gouvernement décidait que les retraités étrangers qui perçoivent l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ancien « minimum vieillesse », auront l’obligation de rester neuf mois par an sur le territoire au lieu de six. Une humiliation gratuite.

« La gauche ne doit plus regarder ailleurs » ?

C’est ce qu’affirmait Clémentine Autain, députée LFI, cette semaine dans Libération, dénonçant « l’index vengeur des droites […] pointé sur l’ensemble des immigrés » et « le discours à gauche sur le reculoir ». « Si nous ne réagissons pas avec davantage de force et de clarté, la malhonnêteté intellectuelle et la mise en danger des migrants auront gagné » écrit-elle à juste titre. Mais comment est-ce possible en restant dans le cadre des intérêts de « la France » comme elle le fait, se référant au programme de la Nupes et plaidant pour une « politique d’inclusion » : « c’est une façon de solutionner bien des problèmes contemporains. Car nous avons besoin des immigrés. Ce sont des travailleurs, des créateurs, des entrepreneurs. Elles et ils participent à consolider notre système social, à faire vivre nos services publics, à développer nos commerces de proximité. Un exemple : sans les médecins et infirmiers étrangers, la situation de nos hôpitaux serait pire encore ! Les étrangers représentent une ressource essentielle pour relocaliser notre économie… » pour conclure « la France ne serait plus la France si elle se barricadait à l’infini ».

Cette belle France républicaine, c’est celle des colonies, de l’Indochine, de l’Algérie, des massacres de Sétif en mai 1945 (avec des ministres communistes dans le gouvernement dont celui de l’aviation), plus récemment au Rwanda, celle aujourd’hui des « opération extérieures » avec plus de 36 000 militaires qui défendent les intérêts de la bourgeoisie française de l’Afrique à l’Océan indien en passant par le Liban, le Kosovo… Une France qui a toujours eu « besoin des immigrés », Dussopt l’a rappelé cette semaine, argumentant pour la régularisation de ceux qui travaillent déjà dans les métiers « en tension » comme l'hébergement-restauration, la santé, le BTP. Dans les années 1970, les usines automobiles françaises allaient directement recruter au Maghreb et en Afrique noire ! Ces mêmes travailleurs immigrés, ouvriers à la chaîne, qu’un certain Mauroy, premier ministre PS de Mitterrand accusait en 1984 d’être à la solde des Ayatollahs pour tenter de discréditer leurs grèves contre les licenciements. Ou ces 200 travailleurs maliens que la mairie PC de Vitry, le 24 décembre 1980, chassait au bulldozer du foyer Sonacotra dans lequel ils s’étaient réfugiés après avoir été expulsés d’un foyer de la commune voisine.

La « gauche » institutionnelle, républicaine et chauvine, tenante du « produisons français », n’a en effet pas toujours regardé ailleurs. Elle a participé à pleines mains à la gestion des affaires de la bourgeoisie et a su « prendre ses responsabilités ». C’est une loi de gauche qui, en 1981, a instauré les centres de rétention administrative (CRA). Depuis, 27 lois « immigration » ont intensifié la répression. L’an dernier, 16 000 personnes en situation irrégulière ont été « retenues » en CRA en métropole… et 27 000 en Outre-mer, dont l’essentiel à Mayotte.

Dominique Simonnot, contrôleure générale des prisons, vient de dénoncer les « atteintes graves à la dignité, une dégradation des conditions de rétention [et] des recommandations récurrentes laissées sans suite […] les conditions de vie indignes, combinées à l’allongement des durées de rétention [90 jours] et au phénomène de « carcéralisation » des CRA… ».

Avec les migrants pour la liberté de circulation et d’installation ! A bas les frontières !

Dénonçant à juste titre le récent accord au sein de l'UE qui prévoit que les États devront se répartir les demandeurs d'asile arrivés dans un pays soumis à « une pression migratoire », ou sinon payer 20 000 euros pour chaque « non relocalisé », Mélenchon s’est prononcé pour « répartir d'autorité » les migrants dans les différents pays... Comme s’il pouvait y avoir une « bonne gestion » de la question migratoire, qui plus est en décidant pour les migrant.es où ils iront !

Il ne peut y avoir de solution dans le cadre de la propriété privée capitaliste, de la domination de la finance internationale qui enferme les peuples et les travailleur.es, les pauvres derrière des frontières et répand la famine, la misère, les dictatures et la guerre, joue les pauvres les uns contre les autres pour tenter de se maintenir.

La seule issue à cette barbarie est la lutte pour le renversement de cette société de classes par les exploité.es du monde entier prenant eux-mêmes le contrôle de l’économie, l’organisation de la société. La lutte des migrants refusant « l’ordre » et les frontières que les classes dominantes voudraient leur imposer est aux avant-postes de ce combat, nourri de leur immense courage, leur détermination, leurs expériences.

Ce combat internationaliste passe ici par la lutte contre tous les préjugés réactionnaires, racistes, xénophobes, les dérives nationalistes et chauvines, par le combat pour la régularisation de tous les sans-papier, le droit de chacun.e à circuler et s’installer où il veut, le combat pour construire une société fondé sur la solidarité.

Isabelle Ufferte

 

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