Le succès de la « semaine de rébellion internationale » organisée par Extinction Rebellion (XR) du 5 au 12 octobre dernier, s’inscrit dans le prolongement des « Friday for Future » des 20 et 27 septembre derniers qui ont rassemblé plusieurs millions de jeunes manifestants à travers le Monde.

A Paris, à Londres, à Berlin, à New York, à Sydney, dans une soixantaine de grandes villes, les militants de XR ont réussi une série d’actions de blocage pour dénoncer l’inaction des gouvernements face au réchauffement climatique. Cette action a été précédée à Paris par l’occupation pendant 18 heures du centre commercial Italie2, en convergence avec d’autres collectifs, de Gilets Jaunes, le comité Adama. Puis la place du Châtelet a été occupée, dans une ambiance festive et militante, pendant toute une semaine avant une tentative de blocage de l’Assemblée Nationale interrompue par l’intervention de la police qui a dû évacuer un par un des manifestants pacifiques mais déterminés.

Une nouvelle génération militante

Extinction Rebellion qui est né il y a seulement un an en Grande Bretagne existe désormais dans 56 pays. Ce mouvement de désobéissance civile veut mettre la question climatique au cœur des débats politiques en multipliant des actions spectaculaires variées, manifestations, blocages, occupations de place, de centres commerciaux, même si leurs revendications restent confuses.

XR comme Youth for climate, à l’origine des grèves de la jeunesse, expriment avec leurs limites l’éveil politique de toute une génération de jeunes et de très jeunes face à la crise climatique. Cette mobilisation pour le climat qui prend de l’ampleur partout dans le monde depuis un an, pousse de fait l’ensemble du mouvement vers une remise en cause du système capitaliste.

Car cet éveil traduit d’abord la montée de la colère et de la méfiance à l’égard des gouvernements dont les belles paroles officielles, prononcées lors des sommets sur le climat, apparaissent de plus en plus clairement en décalage total avec l’absence de volonté politique d’agir à la hauteur des enjeux. D’autant que l’« écologie », la « transition écologique » sont devenues pour les gouvernements comme les multinationales la justification d’un « capitalisme vert » voire de nouvelles mesures d’austérité contre les populations qui ne font qu’aggraver la situation.

Ces nouveaux mouvements qui bousculent les organisations environnementales traditionnelles traduisent une volonté nouvelle d’agir directement et collectivement sans plus attendre, et après des décennies de grands-messes sur le climat, d’agir hors des cadres institutionnels.

Et de fait la conscience écologique de cette génération se transforme à travers sa mobilisation, se dégageant, en partie, des idées moralisatrices sur les comportements individuels auxquelles les gouvernements voudraient bien cantonner la jeunesse… Ainsi Macron au lendemain de la journée du 20 septembre conseillait aux jeunes d’aller nettoyer les plages plutôt que de manifester !

Face à ces nouvelles luttes les gouvernements hésitent entre bienveillance et répression. A Londres comme à New-York, il y a eu des dizaines d’arrestations mais, à Paris, à la surprise de ses organisateurs, l’occupation de la place du Châtelet s’est déroulée sans intervention policière. Le gouvernement hésite à réprimer des militants pacifiques en plein cœur de Paris, lui qui tente désespérément de se donner, à peu de frais, une image progressiste « écologiste ».

Cette vague de colère de la jeunesse qui traverse aujourd’hui le monde constitue un tournant dans les luttes écologiques, un élément important de la nouvelle période ouverte par la crise généralisée du capitalisme. C’est à travers l’expérience quotidienne de l’incurie des classes dominantes que se construit une nouvelle conscience politique à l’échelle du monde dans la jeunesse et au-delà. Cela peut donner à la question climatique un potentiel révolutionnaire si le mouvement parvient à prendre confiance dans sa capacité à transformer la situation et à se dégager des peurs qui désarment.

Une mystique catastrophiste impuissante ou une volonté de lutte confiante dans les capacités révolutionnaires des opprimés

Car les inquiétudes soulevées par la prise de conscience de la gravité de la situation comme de l’inaction des gouvernements alimentent aussi une vision pessimiste de l’avenir qui s’exprime, sous une forme prétendument moderne, dans les théories de l’effondrement ou collapsologie qui se discutent depuis quelques temps en particulier dans la jeunesse. Ces pseudo théories, réactionnaires sur le fond, affirment qu’il est trop tard pour empêcher que la crise écologique n’entraîne l’effondrement de la société humaine actuelle, voire que cet effondrement serait finalement souhaitable pour refonder une nouvelle société.

Si la menace d’effondrement est bien réelle, la vision cataclysmique qu’en donnent les collapsologues nourrit un mysticisme qui ne peut conduire qu’à la résignation et à l’impuissance. Alors que la conscience de la gravité de la situation peut au contraire alimenter une lucidité sur la logique des rapports de force qui nourrit la volonté de lutte.

Une banderole de la place du Châtelet, résume tout l’enjeu de cette prise de conscience... « l’espoir meurt, l’action commence »… S’il ne manque pas de charlatans pour s’appuyer sur ces peurs légitimes, c’est en même temps cette inquiétude qui pousse la jeunesse, non à se résigner face à la catastrophe annoncée, mais au contraire à se mobiliser pour agir.

Agir pour changer la situation est à l’opposé des théories des collapsologues qui désarment, dépolitisent parce qu’elles rendent une Humanité abstraite, voire la science, le progrès, la surpopulation, responsables de la situation avec des relents de malthusianisme.

Il ne s’agit plus de discuter de l’ampleur de la crise climatique, ni même des mesures à prendre pour la conjurer mais de comprendre ce qui empêche les gouvernements de mettre en place ne serait-ce que les mesures recommandées par les scientifiques qu’ils ont eux-mêmes convoqués. La crise écologique est une question sociale et politique car en posant la question de la relation entre la société humaine et son environnement, elle oblige à penser les contradictions du fonctionnement de cette société de classe, de cette société capitaliste.

Les gouvernements sont incapables d’agir face à la crise climatique parce qu’ils sont d’abord au service de classes dominantes dont la seule logique est la course au profit à court terme. Le pouvoir de décision n’est pas entre les mains des gouvernements et encore moins de sommets sur le climat mais dans celles d’une classe minoritaire dont la domination repose sur la propriété capitaliste qui lui permet de contrôler toute l’organisation de l’économie mondiale. Et ces classes dominantes s’accrochent à leur système en crise qui ne se survit qu’au prix d’un parasitisme de plus en plus insupportable, d’une accentuation de l’exploitation du travail humain, du pillage des richesses naturelles et des ravages sociaux et environnementaux que cela entraîne.

C’est ce système qu’il faut changer et pour cela, et c’est toute la contradiction de la situation actuelle, la société humaine dispose de capacités techniques, scientifiques sans précédent comme existe en son sein, à l’échelle du monde, une classe de salariés, plus jeune, plus instruite, plus interconnectée que jamais dans l’Histoire. Ce sont ces progrès qui ouvrent la possibilité d’en finir avec cette société d’exploitation et d’oppression.

Nous voulons aider les jeunes à inscrire leur prise de conscience et leur lutte dans une continuité historique qui nous porte et nous nourrit, une continuité que les classes dominantes ont salie et calomniée pour l’effacer des consciences tellement elles la craignent. Leur révolte contre ce système en faillite s’inscrit dans la continuité de la lutte collective des classes opprimées, la lutte commune « de l’humanité souffrante qui pense, et de l’humanité pensante, qui est opprimée », pour reprendre la formulation de Marx.

Loin du pessimisme réactionnaire des théories de l’effondrement, nous voulons aider la nouvelle génération à s’emparer des idées de la contestation révolutionnaire, à renouer avec le marxisme, à le faire vivre en prenant conscience des contradictions et des possibilités qu’ouvre la période actuelle, pour œuvrer collectivement à formuler et mettre en œuvre une réponse globale à la crise globale du système pour une transformation révolutionnaire de la société.

Bruno Bajou

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