Depuis plus d’une semaine, malgré la multiplication des propos rassurants du préfet et des ministres, la colère et l’inquiétude grandissent après l’incendie catastrophique de l’usine, classée Seveso, Lubrizol.
Comment les croire quand leurs déclarations ne cherchent qu’à minimiser les risques et surtout à masquer leur incapacité à faire respecter leurs propres réglementations à cette multinationale ?
Mardi matin, Agnès Buzyn, ministre de la santé, osait affirmer : « cette pollution qui est réelle (…) n’entraîne pas de risques pour la santé » … alors que maux de tête et vomissements perdurent et que la consommation des produits agricoles est interdite sur 112 communes. Suite à la publication de la liste des produits chimiques ayant brûlé, le préfet a fait cette déclaration stupide : « tous les produits ne sont pas dangereux » certes, pas tous ! D’autant qu’il est bien incapable de dire quelles molécules ont pu apparaître dans la combustion de leur mélange et qu’il a dû reconnaître, samedi, qu’un entrepôt voisin avait aussi brûlé et personne ne sait ni la quantité ni la nature des produits.
Le préfet, surtout soucieux de se couvrir, a cyniquement affirmé : « le site était en règle administrativement parlant ». Mais à Lubrizol comme dans bien des entreprises, les règles de sécurité ne peuvent tout simplement pas être appliquées à cause d’effectifs insuffisants et du recours massif à la sous-traitance et aux contrats précaires. D’autant que la suppression des CHSCT a réduit à néant les moyens de contrôle des salariés sur la sécurité et que la réduction des moyens des DREAL (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement) a dramatiquement limité la surveillance des sites industriels. Alors quelle est la réalité de ces règles ? Comment expliquer que cet incendie, quelle que soit son origine, ait pu prendre une telle ampleur dans un site Seveso censé être parfaitement sécurisé ? Le préfet est bien incapable d’y répondre…
« Lubrizol doit payer - On veut la vérité »
Mardi 1 octobre, plus de 5000 personnes ont manifesté dans les rues de Rouen pour exiger la vérité de la Préfecture mais aussi pour que Lubrizol paie toutes les conséquences de cette catastrophe dont elle est entièrement responsable. D’autres manifestations sont prévues dans les jours qui viennent.
Lubrizol qui appartient à la holding Berkshire Hathaway du milliardaire américain Warren Buffett a largement les moyens de payer… Pourtant la direction de l’usine n’a cherché qu’à se dédouaner de ses responsabilités osant même affirmer que l’incendie s’était forcément déclenché hors de l’usine... Peut-être effectivement s’est-il déclenché dans ces entrepôts voisins, échappant à la réglementation Seveso, qu’utilisait Lubrizol. Mais de toute façon cela ne justifie en rien qu’il ait pu se développer ainsi dans l’usine elle-même. Lubrizol est responsable et doit payer !
Car la réalité c’est que malgré des accidents précédents, l’entreprise avait obtenu l’autorisation préfectorale, sans nouveaux contrôles, d’augmenter sa capacité de stockage de produits dangereux et que donc elle stockait une partie de ses produits dans l’entrepôt d’une simple société de logistique qui n’est pas soumise aux mêmes règles de sécurité et de transparence.
Les multinationales font courir, avec leurs usines, des risques inacceptables à leurs salariés comme à l’ensemble de la population parce que la recherche du profit finit toujours par prendre le pas sur la sécurité, avec la complicité des autorités publiques pourtant censées faire respecter et contrôler les réglementations.
L’irresponsabilité des multinationales comme l'incurie des pouvoirs publics qui se soumettent à cette course aux profits, entraînent une opacité qui empêche toute réelle maîtrise des risques industriels. C’est bien cette logique du fonctionnement de l’économie capitaliste, dominé par la course aux profits, la mise en concurrence, l’exigence de compétitivité qu’il faut combattre et avec laquelle il faut rompre pour imposer le respect de la santé et de la sécurité des populations, comme la préservation de l’environnement.
La sécurité ne peut reposer que sur la transparence la plus totale qui implique le contrôle démocratique de l’ensemble de la production par les salariés et la population. Un contrôle réel qui n’hésite pas à faire des intrusions profondes dans le domaine de la propriété privée, pour demander des comptes et refuser l’opacité du secret industriel, pour imposer à cette minorité qui soumet toute la société à sa cupidité, le respect des intérêts du plus grand nombre.
Une étape vers la remise en cause de l’ensemble de cette société capitaliste pour pouvoir organiser démocratiquement la production des richesses utiles à tous, en se donnant les moyens d’en maîtriser consciemment les risques et les impacts environnementaux.
Bruno Bajou