Les mesurettes de Buzyn sont loin d’avoir entamé la détermination des grévistes. Lundi, le collectif inter-urgences appelait à de nouvelles initiatives à l’issue d’assemblées générales dans 119 établissements mobilisés : rassemblements devant les ARS le 20 juin et une manifestation nationale le 2 juillet à Paris, appelée également par l’intersyndicale CGT-SUD-FO. Le mouvement se renforce, s’organise par l’action des grévistes eux-mêmes, pousse les directions syndicales à agir et fait l’opinion.

Dans la même semaine, les syndicats enseignants appelaient à la « grève du bac », face aux réformes Blanquer. Malgré l’absence de plan de lutte depuis des mois de la part des directions syndicales, et même de politique vis-à-vis des parents et des élèves, le mouvement a été un vrai succès, reflétant la colère cristallisée contre le gouvernement. Des convergences se sont faites avec des Gilets Jaunes ou avec les urgences comme à Bordeaux.

Gilets Jaunes qui n’ont pas dit leur dernier mot après l’acte 32 de samedi, démontrant très largement la force d’un mouvement social où les acteurs décident de leur propre lutte.

Des mouvements déterminés se poursuivent, comme celui des postiers du 92, en grève depuis bientôt 15 mois contre les restructurations et le licenciement de Gaël Quirante, mis en garde à vue cette semaine pour « dégradation de biens de La Poste » !

S’ajoutent aussi les luttes contre les licenciements, comme à General Electric à Belfort, où la direction veut liquider 1044 emplois. Les salariés étaient nombreux dans la rue samedi, manifestant leur colère contre ces multinationales, GE, Ford, Sanofi ou Carrefour, qui licencient pour faire toujours plus de profits… tandis que du PS à LR, les élus locaux étaient aussi présents pour tenter d’enfermer les travailleurs dans leur piège institutionnel.

Les urgentistes, les enseignants, les luttes contre les licenciements montrent qu’une nouvelle étape des mobilisations mûrit alors que le gouvernement lance de nouvelles attaques.

Acte II… de la régression sociale

Philippe n’a pas tardé à lancer l’offensive en présentant avec Pénicaud la réforme de l’assurance-chômage dans la lignée des ordonnances contre le code du travail. Cette réforme a pour objectif de réaliser 3,4 milliards d’économies sur le dos des chômeurs d’ici à 2021. Elle s’accompagne d’une propagande stigmatisant ceux qui gagneraient mieux avec le chômage qu’en travaillant… ciblant en particulier les travailleurs précaires et les intérimaires qui bénéficient d’une couverture chômage en complément des missions temporaires et qui ne gagnent même pas le SMIC ! Pour abaisser encore leurs maigres revenus, la réforme prévoit un nouveau calcul des indemnités bien plus défavorable, ainsi qu’un durcissement des conditions pour accéder à l’assurance-chômage ou pour recharger ses droits. A partir du 1er novembre, il faudra avoir travaillé au moins six mois sur les 24 derniers mois et non plus 4 sur 28 pour avoir droit à une indemnisation. On passe de 1 jour sur 4 à 1 jour sur 7.

Alors que seulement 41 % des inscrits à Pôle emploi perçoivent une allocation et que le nombre de CDD d’un mois et moins a été multiplié par 2,5 en 20 ans, le gouvernement n’hésite pas à s’en prendre aux travailleurs précaires, que sa propre politique a fait exploser.

Quant au fameux bonus-malus dénoncé par le Medef, c’est une véritable farce : seuls sept secteurs seront concernés et la fameuse surtaxe ne dépassera pas 1 % de la masse salariale !

Ce sale coup contre les travailleurs les plus précaires, accompagné d’une campagne nauséabonde de l’ex-DRH Pénicaud sur la « défense du travail », est symptomatique. Même si Macron est sorti affaibli de ces derniers mois de contestation sociale, il profite du contexte de montée des idées réactionnaires qu’il entretient.

Marine Le Pen lui rend bien service. Par sa démagogie réactionnaire, en dévoyant la colère de milieux populaires sur le terrain chauvin et raciste, en cherchant à dresser les exploités les uns contre les autres, elle sert, y compris dans l’opposition, les intérêts des classes dominantes.

Une nouvelle génération militante qui veut prendre en main ses luttes

Les luttes actuelles témoignent que face à cette double offensive, une fraction du monde du travail prend ses affaires en main. Depuis 2016 et la lutte contre la « loi Travail », une nouvelle génération a fait son expérience au cours des différentes grèves, comme parmi les urgentistes ou les enseignants aujourd’hui. Cette génération a été confrontée à la faillite de la gauche syndicale et politique, qui a suscité un rejet des syndicats et plus largement de la politique.

Pour eux, comme pour les travailleurs en général, la question n’est pas de reconstruire cette gauche faillie, ces appareils incapables de s’opposer à l’offensive du capital mais bien de construire une conscience de classe à partir des luttes existantes.

La fuite en avant du capitalisme financier ne laisse aucun « grain à moudre » aux appareils syndicaux ou aux partis gouvernementaux dits d’opposition. Nous militons au jour le jour dans les syndicats avec l’objectif de donner les moyens à celles et ceux qui ont rompu avec la politique des directions syndicales, d’avoir leur propre politique en rupture avec le dialogue social et en toute indépendance des luttes parlementaires. Seule la lutte de classe, la prise en main collective de nos propres intérêts, pourra donner une issue favorable au monde du travail.

Diriger démocratiquement les luttes… pour diriger toute la société

Chaque grève est un moment où les intérêts des travailleurs s’affrontent à ceux du patronat, un moment de lutte pour le pouvoir, à commencer par le pouvoir démocratique des travailleurs de diriger leur mouvement, mais aussi de s’affirmer comme classe face aux classes dominantes, à leur État à leurs représentants petits ou grands.

Vu le rapport de force global, l’objectif d’une grève ne peut se réduire à « arrêter » le travail pour « peser » sur des négociations… stratégie des appareils syndicaux enfermés dans le dialogue social et qui ne conduit qu’à accompagner les reculs.

A l’opposé, la démocratie dans les luttes engage l’ensemble des travailleurs et les appelle à prendre leurs affaires en main, à faire l’opinion, et pas qu’au sein de l’entreprise. Chaque lutte d’ampleur est avant tout politique, à la fois dans la contestation du pouvoir du patron ou de la bourgeoisie en général et dans l’affirmation du contre-pouvoir des travailleurs organisés, des « producteurs associés ». C’est cette conscience-là qu’il s’agit de renforcer, cette indépendance de classe. Politique à l’opposé de celle de la gauche syndicale et politique, qui cherche en permanence à canaliser les luttes dans le cadre institutionnel pour leur propre compte électoral et d’appareil.

Pour mener leurs luttes, les coordonner, reprendre l’offensive, les travailleurs ont besoin d’agir sur le terrain politique, avoir leurs propres réponses face au climat réactionnaire ambiant, défendre une perspective d’organisation collective de la société face à l’idéologie des « premiers de cordée » des classes dominantes.

Cela passe par le rassemblement de celles et ceux qui rompent avec le dialogue social et institutionnel et qui veulent contester l’ordre établi, pour nous coordonner nous-mêmes et tracer une indispensable perspective d’ensemble, démocratique et révolutionnaire, le pouvoir des travailleurs pour en finir avec le capitalisme, la régression sociale et politique.

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