« La vérité permet d’agir ». C’est sous ce slogan que Bayrou, bien connu pour son sens de la vérité et du ridicule, a tenu mardi 15 sa « conférence sur les finances publiques ». Il s’agissait de lancer les travaux de préparation du budget 2026 et d’« alerter les Français sur la situation budgétaire critique du pays ».

En réalité, « l’alerte » portait surtout sur la facture que le gouvernement entend faire payer aux travailleur.es et aux  classes populaires pour prétendument mettre un coup d’arrêt au creusement du déficit et à l’envolée de la dette publique : 40 à 50 milliards de réduction des dépenses pour 2026, 110 au total jusqu’en 2029.

Selon la Cour des comptes, le montant de la dette devrait atteindre 116 % du PIB en 2025, 118 % en 2027 avec comme conséquence l’explosion de la masse d’intérêts payés tous les ans. Le déficit public, lui, s’élevait à 6 % du PIB en 2024. Il devrait s’établir à 5,4 % cette année avec le tour de vis de plus 50 milliards du budget 2025… Purge à laquelle la ministre des comptes publics, de Montchalin, vient d’ajouter une réduction immédiate de 5 milliards supplémentaires.

Le « plan » serait de ramener ce déficit sous les 3 % en 2029, ce qui, prétend Bayrou, permettrait de stopper la fuite en avant dans l’endettement. Du baratin pour tenter de justifier la violence de l’offensive austéritaire, au nom du fait que « nous ne produisons pas assez, nous travaillons trop peu », « nous dépensons trop par rapport à nos recettes ».

Dans les coups de rabot annoncés, la « gratuité » des services publics « qui déresponsabilise », « l’enchevêtrement des responsabilités, des réseaux et des acteurs publics », objet de la loi de simplification en discussion à l’Assemblée nationale. Les « niches fiscales », sauf évidement celles dont bénéficient largement les plus riches. Ou encore la « hausse incontrôlée des arrêts maladie depuis la fin du covid », reprenant les « préconisations » publiées lundi 14 par la Cour des comptes pour réduire de 20 milliards le budget de la Sécurité sociale… 8 milliards « d’effort » devraient être demandés aux collectivités territoriales. Les retraités sont menacés, eux, de la suppression de l’abattement fiscal de 10 % et de l’indexation de leurs pensions sur l’inflation. Sans oublier l’offensive en cours contre les retraites.

Le gouvernement s’est fixé jusqu’en juillet pour établir son budget et détailler les mesures qu’il compte imposer. Bayrou, que le cynisme n’étouffe pas, a osé justifier : « L’excès de dépense publique ne fait pas le bonheur des peuples. Les pays qui ont réduit leurs dépenses publiques sont souvent les plus heureux »…

Une offensive austéritaire pour financer le capital

Bayrou et Lombard se targuent de la confiance des marchés. L’agence de notation Moody’s a en effet annoncé vendredi 11 maintenir la note de la France à son niveau précédent (AA3) assortie d’une perspective « stable » malgré la dégradation de l’endettement et les mauvaises perspectives de croissance, un encouragement.

Le président du Haut Conseil des finances publiques, le socialiste Moscovici, est venu à la rescousse, estimant que « le principal effort, important, doit être fait sur les dépenses publiques : dépenses de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales. »

Le patronat a ce qu’il voulait. Pour son ancien président, Roux de Bézieux, « 40 à 50 milliards d'euros de moindre croissance des dépenses, ça n'est pas l'austérité, ni la purge, ni la Grèce… » mais un « correctif raisonnable … », d’autant plus raisonnable que Bayrou a écarté toute augmentation des impôts. Lombard a par ailleurs réuni lundi les représentants du patronat pour « discuter du budget et de l’impact de la guerre commerciale ». Ce nouveau « Conseil des entreprises » se réunira toutes les six semaines : « Il s'agit de nouer un dialogue avec les entreprises, à un moment où nous sommes dans une négociation difficile avec les Américains et où nous sommes aussi dans la préparation d'un budget 2026 auquel nous voulons les associer ». On ne peut plus clairement affirmer la soumission de la politique du gouvernement aux intérêts du patronat.

Bayrou nous ment lorsqu’il affirme que la cure austéritaire viserait à mettre un coup d’arrêt à l’endettement et à la dégradation économique du pays. L’austérité ne peut en rien réduire la dette qui est un moyen à travers lequel l’Etat assure une rente aux financiers auprès desquels il s’endette, une subvention aux profits dont la croissance se heurte aux limites du marché solvable. Toute attaque contre les salaires, les revenus de la grande majorité de la population se traduit inévitablement par un recul de la consommation, l’accentuation des tendances à la récession économique. C’est un cercle vicieux, la poursuite, en l’aggravant, d’une politique à courte vue qui a depuis longtemps démontré qu’elle en est un facteur aggravant.

Cela se traduit aujourd’hui sur l’ensemble des pays industrialisés par une baisse de la productivité du travail et de la croissance. Le gouvernement a revu à la baisse les prévisions de croissance du PIB pour 2025 (0,7 %, au lieu de 0,9 %), 2026 (1,2 %, au lieu de 1,4 %) et 2027 (1,4 %, au lieu de 1,5 %). Sans prendre ces valeurs au pied de la lettre du fait de l’instabilité générale, leur baisse reflète une tendance inscrite dans la logique des évolutions globales du capitalisme et ne peut que s’accentuer alors que le « réarmement » engloutit des sommes considérables d’argent public.

Certains voient dans la fuite en avant du réarmement un « effet dopant sur la croissance », l’occasion d’une « réindustrialisation ». C’est une illusion. « L’économie de guerre » ruine l’économie productive, en détourne les ressources au service de la production de moyens de destruction. Elle aggrave les déficits publics et la dette. 

La gauche politique et syndicale en quête de collaboration

La gauche politique et les confédérations syndicales sont non seulement paralysées, mais s’inscrivent totalement dans la politique du gouvernement qui s’est empressé de les associer à ses manœuvres. A l’issue de la conférence, Coquerel, député LFI et président de la commission des finances de l’Assemblée, se disait « très inquiet dans la manière dont on va répartir ces économies ». La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, s’était fendue d’un « Quand on parle d'effort partagé, il faut désormais viser les personnes et les entreprises qui le peuvent et ne participent pas à la hauteur de leurs moyens ». Celle de la CGT, Sophie Binet, déplorait « l’absence de dialogue » et un « manque de réponses ». Changement de ton vendredi après une réunion des confédérations représentatives avec Lombard autour des « conséquences des droits de douane » de Trump, où elle osait un « Nous avons gagné ! » en annonçant la création d’une « cellule de crise pour suivre la situation avec des réunions hebdomadaires à Bercy pour faire le point »…

Loin de s’attaquer aux objectifs de ces politiques, maintenir coûte que coûte la machine à profits alors que le capitalisme s’enfonce dans ses contradictions, toutes et tous s’y inscrivent au contraire, se contentant de demander « une autre répartition des efforts » sans la moindre remise en cause de la politique de réarmement et du gouffre financier qu’elle constitue. Telle la lettre de l’Humanité du 15 qui fustigeait la « messe austéritaire de Bayrou » et ses conséquences sur les services publics mais sans un mot sur le réarmement et son poids sur les finances publiques…

Il n’y a rien là d’étonnant, conséquence de leur intégration au fonctionnement de l’Etat, à son souverainisme. Leur impuissance n’est autre que celle des politiques qui se plient aux lois du système alors que la crise globale du capitalisme accentue les affrontements de classe.

La bourgeoisie mène la guerre sociale sur tous les fronts. Bayrou-Lombard et leur plan de restrictions budgétaires mènent l’offensive contre la classe ouvrière sur le terrain économique tandis que Retailleau et Darmanin renforcent l’arsenal répressif tout en menant de concert avec Le Pen leur politique de chasse aux migrants, de division des travailleur·es. A leur propagande réactionnaire s’ajoute celle de Macron unanimement soutenu par les médias autour du réarmement, une tentative de militarisation des cerveaux, de créer un élan nationaliste pour désarmer la révolte sociale qui couve.

Contre l’austérité et la guerre, défendre nos droits, conquérir la démocratie pour exproprier le capital

Le cynisme et la violence de l’offensive du gouvernement et du patronat créent bien plus la colère et la révolte que l’adhésion à leurs charlataneries.

Ces dernières reflètent en fait leur panique devant l’aggravation de la situation économique, la menace de krach que l’accumulation de dettes comme l’instabilité boursière actuelle fait craindre alors que rien ne semble capable de relancer la croissance. Toute issue réelle à ces contradictions se heurte à la sacro-sainte propriété privée capitaliste, la défense des intérêts privés quelles qu’en soient les conséquences, la fuite en avant dans la guerre sociale, la guerre commerciale et la guerre tout court.   

Leur Etat, qu’Engels voyait à la fois comme « le conseil d’administration de la bourgeoisie » et « une bande d’hommes armés » chargée de défendre ses intérêts, est là pour mener ces guerres.

Le « Conseil des entreprises » que vient de créer Lombard en est une illustration, une « privatisation » de l’Etat sous le contrôle le plus immédiat des couches supérieures de la bourgeoisie aux premières loges pour dicter leur politique à l’exécutif. A cela s’ajoute l’imbrication intime de ce dernier avec les sommets de la hiérarchie militaire et policière concrétisée en France par le Conseil national de défense et de sécurité nationale. Ce CND se réunit en toute discrétion toutes les semaines sous la présidence du chef de l’Etat, chef des armées. Il intègre divers ministres, mais surtout, au titre de « personnalités invitées », les patrons de l’armée, de la police, du renseignement intérieur. Il a été à l’initiative de nombreux décrets et lois, qui, sous couvert de réponse à de prétendus « risques terroristes », constituent de profonds reculs des droits démocratiques visant en particulier les militants du mouvement social.

Cette concentration des pouvoirs de l’Etat donne la mesure de la crainte qu’ils ont de la montée inévitable de la contestation sociale en réponse à l’aggravation de leurs offensives comme aux conséquences sociales de la dégradation économique et du réarmement.

Cette révolte est la seule force capable de mettre un coup d’arrêt à cette folie destructrice : stopper la marche à la guerre et au réarmement ; imposer la seule mesure qui s’impose face à la dette, son annulation ; en finir avec la course folle au réarmement et au subventionnement des profits, aides aux entreprises comme fiscalité taillée sur mesure.

De telles mesures supposent la prise de contrôle de l’économie par les travailleurs et la population, l’expropriation du capital, l’instauration de la démocratie des « producteurs associés ».

Daniel Minvielle

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