Dimanche dernier, le RN organisait place Vauban à Paris son meeting pour la « défense de la démocratie » et dénoncer « l’injustice » de l’inéligibilité de Le Pen.  La candidate à la Présidentielle qui a organisé le détournement de près de 4,6 millions d’euros de fonds européens au profit de son parti crie à une « chasse aux sorcières », à un « coup d’Etat venant de juges rouges » qui auraient outrepassé le droit en prenant une décision politique pour l’empêcher de se présenter à la Présidentielle. En réponse à la campagne haineuse du RN contre la « République des juges », Attal transformait son meeting de lancement de campagne en meeting contre l’extrême-droite, s’affichant en chef de file de l’unité du « bloc central », de Bayrou, Darmanin, Borne, jusqu’à Philippe déjà déclaré candidat, prétendant en faire une démonstration de force des « démocrates » face à « l’internationale réactionnaire ».

LFI et EELV organisaient quant à eux à la République un rassemblement en défense des juges et de l’Etat de droit, -Ne laissons pas l’extrême-droite faire sa loi ! disait leur affiche- contre « le risque séditieux », le RN qui montrerait « son vrai visage », anti-système. Bompard y déclarait qu’« on empêchera toujours l’extrême droite de s’attaquer à la République et à la démocratie », et Tondelier qu’« on est là pour que nos institutions démocratiques puissent juste continuer à fonctionner normalement. ». Ce samedi, c’est la CGT, Solidaires, la FSU, la LDH, SOS-Racisme et des dizaines d’autres organisations de la société civile qui appelaient à des manifestations dans plusieurs villes du pays. 

La macronie et la gauche institutionnelle nous rejouent le jeu de dupes d’un front républicain qui voudrait enrôler les travailleur·ses dans la défense de la République bourgeoise, que Marine Le Pen n’attaque d’ailleurs pas, attaquant « des » juges et non pas la justice, le RN normalisé ayant intégré la classe politique et les institutions de la République dont il se revendique. Elle a d’ailleurs repris très vite sa place de députée respectueuse des institutions à l’Assemblée, après l’échec de la « grande mobilisation populaire et pacifique » que le RN escomptait.

Tous se revendiquent de l’Etat de droit qui serait garant de l’égalité de toutes et tous devant la loi, et non pas l’instrument de domination des classes possédantes contre les travailleur·ses et les classes populaires, qui ne peuvent s’opposer aux forces réactionnaires d’extrême-droite comme aux Retailleau-Darmanin du camp dit républicain qu’en construisant en toute indépendance leur propre démocratie.

Une justice de classe qui juge et condamne celles et ceux qui contestent l’ordre social qu’elle défend

Le Pen s’indigne d’une condamnation politique qui touche sa propre personne et vient perturber ses ambitions politiciennes, mais elle ne s’est pas autant souciée des libertés publiques quand elle approuvait -et que le RN votaient- les lois répressives et sécuritaires mises en place par les gouvernements de Sarkozy, Hollande et Macron, des lois liberticides (lois immigration, de sécurité globale, anti-casseurs …) qui ont aggravé les attaques contre les droits démocratiques de la population.

Ces lois permettent de condamner celles et ceux qui luttent contre le génocide perpétré par Israël contre le peuple palestinien pour « apologie du terrorisme », les jeunes des quartiers populaires en révolte contre les violences policières dont beaucoup ont été condamnés par des tribunaux d’exception après l’assassinat de Nahel, les syndicalistes, les sans-papiers et les soutiens aux migrant·es ou, au nom de l’ordre public, d’arrêter préventivement des militants avant une manifestation. Nombre des dispositions de l’Etat d’urgence ont été pérennisées, intégrées à la Constitution depuis 2017. La bourgeoisie façonne son appareil d’Etat en fonction de ses intérêts de classe et de ses préjugés, contre les travailleur·ses et les jeunes, toutes celles et ceux qui contestent l’ordre patronal et social, l’autoritarisme qui s’impose à toute la vie sociale étant une réponse aux rapports et contradictions de classe qui s’exacerbent, à la crise de la démocratie parlementaire, crise de sa domination. 

L’Etat de droit protège l’ordre établi, le pouvoir de la bourgeoisie contre les travailleur·ses et les classes populaires

« Nous savons également que l’Etat de droit nous protège d’un autre fléau », disait l’appel de la gauche syndicale et associative aux manifestations du 12. « L'État de droit est également ce qui contribue à ce que les relations qui se nouent entre les citoyennes et les citoyens ne soient pas abandonnées à la violence, à la force, aux pouvoirs sans limites, aux mauvaises passions mais puissent être régulées par des normes juridiques… ». Cynique hypocrisie quand règne la liberté du renard dans le poulailler que de laisser croire qu’on pourrait s’en remettre au droit bourgeois pour combattre la violence sociale, les « pouvoirs sans limites », sans s’attaquer aux causes, la société de classe et l’exploitation capitaliste.

Les manifestations pour défendre la République, pour nos droits et nos libertés contre l’extrême-droite et l’offensive réactionnaire sont une impasse, un leurre. Les gouvernements de cette République ont eux-mêmes nourri l’extrême-droite et renforcé les forces réactionnaires en menant les attaques contre le monde du travail pour le compte du patronat et de l’oligarchie financière. C’est la régression sociale, le désespoir et les frustrations qu’elle engendre qui renforce le RN. Les gouvernements de droite et de gauche ont tous repris ses idées xénophobes et racistes pour diviser, dévoyer la colère des travailleurs, tout en prétendant le combattre.

Pour la justice, pour nos droits, la démocratie directe des exploité·es et des opprimé·es

LFI et d’autres en appellent à une 6ème République qui en finirait avec le régime présidentiel pour donner plus de pouvoir aux élus, sans remettre en cause l’appareil de répression de la bourgeoisie, sa police et sa justice de classe indépendantes du contrôle des travailleur·ses et de la population, ni ses « valeurs », souveraineté nationale, colonialisme, défense de la propriété. La montée des forces réactionnaires, du militarisme et de la guerre, les attaques sociales, la vague des licenciements appellent des réponses du monde du travail et de la jeunesse que nous ne trouverons ni dans les urnes ni dans les tribunaux.

Nous avons besoin de rassembler nos forces, de nous organiser en toute indépendance contre l’exploitation et la société de classe, son armée, sa police et sa justice, contre la folie militariste et guerrière afin de conquérir la démocratie et mettre en place une autre société solidaire dirigée et contrôlée par celles et ceux qui produisent tout, le socialisme.

C’est ce que le mouvement révolutionnaire devrait affirmer au coude à coude, ensemble dans la rue le 1er Mai.

Christine Héraud

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