Mercredi soir, la veille du sommet européen sur la sécurité qu’il recevait à Paris, Macron a accueilli Zelensky à l’Élysée tentant de s’approprier une part de la popularité de ce dernier auréolé de l’image que les grandes puissances lui ont fabriquée de défenseur des valeurs de l’Occident, de la démocratie et de la liberté contre la tyrannie et l’agression de Poutine. « Il n’y a qu’un agresseur, la Russie, et qu’un résistant, vous », a-t-il résumé perpétuant la fable de la propagande de l’Otan pour justifier sa guerre par procuration contre la Russie, une supercherie. L’agression de Poutine contre l’Ukraine n’est pas de la seule responsabilité d’un tyran mégalo mais bien, dans leur monde capitaliste où les relations entre les nations sont régies par la loi du plus fort, l’aboutissement inévitable de la politique d’encerclement de la Russie par les vieilles puissances impérialistes occidentales depuis l’effondrement de l’URSS.

Le revirement des USA mis en œuvre par Trump en est la démonstration s’il en était besoin. Les champions de « la paix par la force » n’ont aucun souci des droits des peuples, ils les utilisent en fonction de leurs intérêts en Ukraine comme au Moyen Orient ou sur toute la planète.

Dans cet affrontement mondial, les puissances européennes jouent leur propre partition, tout autant rivales qu’alliées, en cherchant à s’inviter dans les négociations en cours dont elles sont écartées comme les défenseurs de l’Ukraine et de Zelensky face aux USA qui les lâcheraient. Dans ce jeu de rôle diplomatico-militaire, les USA sont les maîtres. La France ne peut que s’inscrire dans leur politique dans le cadre d’un éventuel accord pour monnayer ses services, avoir sa part dans le partage des richesses. L’Allemagne, la Grande Bretagne, l’ensemble des trente pays alliés de l’Ukraine, la « coalition des volontaires », qui se sont réunis jeudi à l’Élysée pour « finaliser » les « garanties de sécurité » à apporter à Kiev en cas d’accord de paix avec la Russie, n’ont pas d’autre objectif quelle que soit leur disparité. Ce sommet était une mise en scène des services éventuels que la France et la Grande Bretagne et leurs alliés « volontaires » pourraient apporter aux USA pour assurer le service après-vente d’un accord de paix toujours bien improbable, le « réassurement » disent-ils, pour garantir « une paix juste et durable » qui envisage d’abord et avant tout d’armer l’Ukraine pour maintenir le front, poursuivre la guerre... par procuration tout en envisageant  un déploiement direct de troupes terrestres européennes en Ukraine.

L’armement, une rente pour le capital assisté par l’État contre la société

Ce sommet de « la coalition des volontaires » visait aussi à justifier la frénésie de réarmement engagée dans toute l’Europe et dont Macron se fait le champion. Il espère ainsi gagner du crédit pour imposer sinon une réelle union nationale du moins un consensus pour sortir de la mascarade parlementaire, combler la politique du vide de Bayrou et surtout servir les intérêts du capitalisme français et de ses fleurons de l’armement. Il s’agissait, avec la collaboration de Zelensky, de donner à la menace fantasmée que représenterait la Russie pour l’Europe la force d’une évidence, la mise en scène d’un mensonge d’État de la même nature que celui qui a fait de la guerre par procuration contre la Russie une guerre pour le droit des peuples !

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen avait donné le ton : « Nous sommes à l’ère du réarmement et l’Europe est prête à augmenter massivement ses dépenses de défense, à la fois pour répondre à l’urgence à court terme d’agir et de soutenir l’Ukraine, mais aussi pour répondre à la nécessité à long terme d’assumer davantage de responsabilités pour notre propre sécurité européenne ».

Ce déploiement militariste vise bien au-delà de l’Ukraine et de la Russie. Il participe de l’évolution des rapports entre les nations dans le cadre du capitalisme mondialisé, d’une économie mondiale ralentie et d’une exacerbation de la concurrence impulsée par la guerre commerciale engagée par les USA. La préoccupation de Macron et des dirigeants européens est de défendre les intérêts de leurs capitalistes face aux bouleversements des rapports de force en cours alors qu’ils sont incapables d’avoir une politique commune, de dépasser leurs rivalités.

Leur Europe, loin d’être une Europe de la paix, est l’Europe de la concurrence, des rivalités commerciales, de la guerre contre les travailleurs et les peuples.

La croissance par la guerre, la condamnation d’un système prédateur failli

Ils espèrent que « l’économie de guerre » suscitera une dynamique de croissance pour une économie en panne. La politique d’armement serait le moyen de sortir de la stagnation économique.

C’est bien évidemment cynique, à l’image de la corruption morale de leur système parasite et prédateur, destructeur et de la classe qui le dirige. C’est aussi une illusion. La fuite en avant militariste ne sauvera pas plus Macron que le capitalisme français de leur échec et déclin. Elle pourrait même, et c’est le plus probable, l’approfondir, l’accélérer.

De la même manière que l’industrie du luxe destinée à la seule consommation des riches et des privilégiés, la production d’armes produit de la plus-value pour les capitalistes de l’armement et les actionnaires mais elle est totalement parasitaire et n’offre aucune possibilité permettant au capital de surmonter sa crise d’accumulation, son incapacité à produire suffisamment de profits pour répondre aux besoins de la masse de capitaux. De la même façon que la fortune d’Arnault, la fortune de Dassault ne peut et ne pourra donner un nouveau dynamisme au capitalisme français, capitalisme rentier habitué à vivre des subventions de l’État pour investir là où il peut faire des profits, spéculer sur les marchés financiers, délocaliser plutôt que de procéder à des investissements productifs.

Le seul avenir que porte l’industrie d’armement est la guerre, une industrie de destruction et de mort.

En réalité, à l’époque d’un capitalisme mondialisé qui atteint ses limites, l’investissement dans l’industrie d’armement non seulement illustre le parasitisme du système mais devient un facteur d’aggravation de son marasme en limitant encore plus les investissements productifs dans d’autres secteurs, en aggravant les déficits budgétaires et, en conséquence, les politiques d’austérité.

Quelles que soient les sources de financement que trouveront l’État et les banques, la course à l’armement aggravera les difficultés économiques du simple fait du contexte international de guerre économique.

L’euphorie militariste et belliciste qui gagne les classes dirigeantes d’Europe sous la pression des USA et de Trump est pure folie. Elle accélère la marche à la faillite du système qui, si la classe ouvrière n’intervient pas, débouchera sur un chaos guerrier mondialisé.

Guerre militaire et guerre sociale, une même politique de classe pour la survie d’un système failli

Nous ne sommes qu’au tout début de ce possible scénario. Les tensions commerciales n’en sont qu’à leur début et la situation économique continuera de se dégrader imposant au gouvernement de multiplier les coupes austéritaires, les attaques contre les travailleur·ses, les licenciements. Pour monter le budget annuel de l’armée à au moins 75 milliards d’euros par an comme l’exige Macron, qui parle même de 100 milliards par an en 2029, l’Etat devra s’endetter toujours plus alors que les tensions internationales, la guerre douanière que se mènent les Etats-Unis et l’UE, ruinent les perspectives de croissance de l’économie et avec elles les rentrées d’argent de l’Etat. En même temps, les taux auxquels les spéculateurs leur prêtent s’envolent alors que le paiement des seuls intérêts de la dette est déjà estimé à 53 milliards d’euros. Pour verser aux financiers-usuriers la rente des intérêts de la dette, l’État n’a pas d’autres choix que de poursuivre sa politique de destruction des acquis sociaux des travailleurs·ses, privatiser la Sécurité sociale, le système de retraites, couper dans ses dépenses.

L’organisation méthodique de la régression sociale par les attaques contre les services publics, les licenciements et la précarité au nom d’une politique simple et brutale, faire travailler plus moins de salariés pour gagner moins.

Cette politique pourra maintenir les profits des grands groupes et des financiers-usuriers au détriment du monde du travail et de toute la société avant qu’elle ne plonge l’économie dans la récession ou ne provoque un krach financier, voire la faillite de l’État.

Le militarisme et la guerre sociale sont deux moments d’une même politique de classe, la lutte contre le monde du travail et les peuples pour extraire toujours plus de plus-value. L’exploitation a pour corollaire la course à la compétitivité, la concurrence et les rivalités économiques et commerciales, dont le militarisme est l’instrument, la guerre la conséquence.

C’est bien pourquoi l’ennemi est dans notre propre pays, notre propre bourgeoisie et son Etat.

La politique de Macron et de l’État conduit vers un nouvel épisode aigu de la crise politique et sociale

Macron voit dans le réarmement, la guerre, une nouvelle opportunité de reprendre la main, de s’imposer enfin comme Bonaparte au-dessus de la mascarade parlementaire et des rivalités politiciennes autour d’un consensus national. Dupe de sa propre agitation diplomatique et de ses propres discours, il ne sera pas plus capable de rassembler les pays de l’UE que de rassembler l’opinion et les travailleurs derrière sa politique, même s’il peut se féliciter de la veulerie de la gauche syndicale et politique.

Macron et sa révolution qui prétendaient répondre au discrédit de la droite et de la gauche n’ont fait qu’accentuer ce discrédit qui non seulement se retourne contre les institutions mais dont il est, lui-même, devenu l’objet. Il prétendait incarner un pouvoir bonapartiste autoritaire pour, au final, devenir le plus détesté de tous les politiciens. A défaut de devenir Bonaparte, il est devenu, au sein du marais politicien, le symbole même du double langage, du « en même temps » et de l’impuissance bavarde. Son nouveau personnage de chef militaire européen pour la paix se résumera à une nouvelle imposture pour se terminer en déroute et céder la place à l’extrême droite trumpisée qu’il disait combattre...

Pour contrer cette aggravation de la crise sociale et politique qui se nourrissent l’une de l’autre, le monde du travail a besoin d’une politique de classe indépendante ouvrant une perspective au mécontentement qui, à défaut de rompre avec le système, se laisse dévoyer, s’hystérise parce qu’il reste prisonnier du système qui l’opprime et des démagogues qui le servent.

Notre manuel de survie, la solidarité de classe internationaliste contre ceux qui conduisent à la catastrophe

La politique militariste et son corollaire, la guerre aux travailleurs, nourrissent une propagande réactionnaire tous azimuts, militarisme, racisme, nationalisme, masculinisme, mépris et criminalisation des classes populaires et de la jeunesse, volonté d’embrigadement qui tirent la société en arrière contre les progrès inscrits dans l’évolution sociale.  

Emporté par ce zèle propagandiste pour subjuguer les esprits, une semaine après l’annonce par Macron du projet du gouvernement d’envoyer un « manuel de survie » à tous les Français d’ici l’été, la Commission européenne a, elle, présenté cette semaine sa « stratégie de préparation et de gestion de crises » pour préparer le continent à faire face « aux risques de guerre, aux tensions géopolitiques croissantes, aux cyberattaques et aux ingérences étrangères » ainsi qu’aux risques environnementaux et sanitaires.

Cette propagande débridée est ridicule mais aussi et surtout un aveu de la façon dont les États envisagent l’avenir qu’ils nous préparent.

Et leur réponse, c’est « un kit de survie » !

Le plus imaginatif des contestataires n’aurait pu imaginer une telle farce ! Une farce cynique en réalité de la part de ceux qui prétendent diriger la société, un acte d’accusation contre un système hors contrôle qui conduit à la catastrophe. 

Et ces gens-là prétendent vouloir protéger les populations ! Ce sont bien les populations qui ont besoin de se protéger par elles-mêmes des catastrophes que leur politique engendre en sacrifiant les intérêts de la collectivité à une minorité parasite mue par une féroce manie d’accumuler des richesses et du pouvoir.

Pour le monde du travail, la jeunesse, les femmes, toute la population, empêcher cette marche à la catastrophe, c’est refuser de devenir leurs soldats dans leurs guerres pour leurs profits pour devenir les combattant·es de la solidarité internationaliste entre les travailleur·ses et les peuples, par-delà les frontières, contre les tyrans et la dictature du capital, pour le socialisme.

Yvan Lemaitre

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