Lundi dernier lors de son interview au 20 heures de Tf1, jurant ses grands dieux qu’il ignorait le mépris, Macron a étalé avec suffisance et arrogance son… mépris des travailleurs et des classes populaires, le mépris de classe doublé de celui d’un parvenu. Au moment même de sa diffusion, il dînait en joyeuse compagnie de quelque 200 patrons de multinationales dont le milliardaire Elon Musk dans l’indécence des fastes du château de Versailles bunkérisé pour l’occasion comme célébrant sa victoire sur le peuple. Une nouvelle agression complément de sa politique d’apaisement policier, une provocation tellement ridicule qu’elle tourne à la farce !

Il nous a d’abord appelés au soutien à la participation militaire de la France à la guerre en Ukraine dans laquelle le peuple ukrainien est enrôlé, au prix d’immenses sacrifices et souffrances, dans le camp de l’Otan sous la houlette des USA contre la Russie de Poutine ainsi que l’illustre le G7 qui s’est tenu ce week-end à Hiroshima en présence de Zelensky invité pour faire le job pour ses commanditaires.

Puis, Macron a fait l’éloge de sa « constance ». C’est la seule chose que nous pouvons lui reconnaître sa constance, il faudrait dire son zèle, à servir ses commanditaires, les patrons, les multinationales, la finance et les riches, le CAC 40 qui affichent des profits mirobolants, cette « France qui gagne » !

Cette soirée indécente et provocatrice était le point d’orgue de la séquence qui l’a conduit de Dunkerque à Versailles où il vantait les capacités de la France, « son attractivité », pour les capitalistes. Si, depuis des mois, Macron étale son mépris des travailleurs en imposant sa réforme des retraites ou en laissant l’inflation rogner le pouvoir d’achat au point que 16 % de la population ne seraient plus, aujourd’hui, en mesure de s’alimenter à leur faim selon un rapport du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), c’est bien pour le compte de ces investisseurs, des capitalistes auxquels il offre de nouveaux champs de profit en se vantant d’une réindustrialisation, d’une industrie verte illusoires qui sont l’occasion de nouvelles subventions au capital.

C’est le but de sa politique et ce sont les travailleurs, les classes populaires dont les vies sont sacrifiées sur l’autel du profit, de la concurrence pour que prospère la bourgeoisie.

Les profits explosent et ruinent la société

Le même jour, lundi dernier, l’ONG Observatoire des Multinationales publiait son rapport annuel. « Si les profits du CAC 40 se maintiennent en 2022 à un niveau légèrement inférieur à ceux de 2021, il n’en va pas de même pour les dividendes qui continuent leur augmentation inexorable d’année en année, pour atteindre 67,5 milliards sur les résultats 2022 – contre 57,5 milliards l’année précédente », résume l’ONG. Les deux tiers des profits des entreprises ont été redistribués aux actionnaires.

Les rachats d’actions, autre forme de gratification des actionnaires visant à soutenir les cours en Bourse, se sont aussi « maintenus à un niveau record », 25 milliards d’euros, contre 26 milliards l’année précédente.

Le rapport souligne que parmi « les plus généreux avec leurs actionnaires, on retrouve sensiblement la même liste d’entreprises que pour les « superprofits », soit TotalEnergies (10 milliards de dividendes et 7 milliards de rachats d’actions), LVMH (6 milliards de dividendes, et 1,6 de rachats) ou encore Axa (4 milliards de dividendes et 2,3 de rachats). » « Les grands gagnants de cette course à la gratification des actionnaires sont Bernard Arnault, qui doit toucher via sa holding familiale près de 3 milliards d’euros de dividendes de LVMH, et BlackRock, présent au capital d’au moins une trentaine de groupes du CAC 40, et qui doit empocher la coquette somme de 2,8 milliards d’euros ».

Ces « superprofits » ne sont « pas forcément une bonne nouvelle ni pour l’économie ni pour la société française en général », derrière les profits les licenciements continuent. Globalement, « le CAC 40 affiche 16 000 emplois en moins dans l’Hexagone depuis 2019, alors que ses profits annuels ont augmenté de 74 % et ses versements aux actionnaires de 61 % sur la même période ».

La condamnation d’une politique entièrement vouée aux intérêts capitalistes qui aggrave la dette, entretient la stagnation économique, l’inflation et prépare une nouvelle crise financière, cette politique que Macron a célébrée à Versailles.

Le dialogue social pour « continuer les réformes » contre le monde du travail

« Tous ceux qui voudraient que les choses s'arrêtent se trompent parce que le monde accélère et nous devons continuer de réformer », martèle Macron empressé de consolider ce qu’il croit être sa victoire du 49.3 pour poursuivre son offensive au service des actionnaires, travailler plus pour produire plus de dividendes... Pour faire face à la concurrence, il faut « aller beaucoup plus fort ». Et il faut être aveugle ou complice pour croire ou laisser croire que l’invitation de Borne à Matignon aux cinq confédérations syndicales dites représentatives (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC) aurait pu avoir un autre objectif que de les associer à cette politique antisociale moyennant quelques éventuelles concessions minimes.

L’issue en a été sans surprise, rien si ce n’est que Borne peut se flatter d’avoir relancé le dialogue… Les directions syndicales se vantent d’avoir un rapport de force favorable alors que leur politique contribue à le dégrader. Elles aussi veulent garder la main et que tout revienne à la « normale », la routine des discussions sans fin et sans autre résultat que de laisser patronat et gouvernement faire leur politique en négociant à la marge.

Comment se prêter à ce jeu, alors que le pouvoir se refuse à imposer des hausses de salaires, à indexer les salaires sur l’inflation laissant les mains libres au patronat pour maintenir ou accroître ses profits. Comment être aveugles et dupes face à un pouvoir qui provoque, annonce sans ambiguïté ses objectifs, réprime et agresse les militant·e·s.

Alors que les travailleur·e·s de Vertbaudet sont en grève depuis 2 mois pour les salaires, mardi 16 mai dans la soirée, Mohamed, délégué syndical CGT a été embarqué dans une voiture par plusieurs hommes. Frappé, gazé, volé puis relâché en pleine nature, il a explicitement été pris à parti pour ses activités syndicales. La veille, deux militants proches de la CGT avaient été mis en garde à vue après que la police ait attaqué le piquet de grève. Le pouvoir et les médias aux ordres si prompts à dénoncer les violences sont silencieux, solidaires et complices de la violence de sa police contre les grévistes et des nervis du patronat.

Ils disent défendre la démocratie et le dialogue pour mieux masquer leur politique au service de la minorité qui tient les rênes de l’économie.

Les directions syndicales ainsi que la gauche parlementaire dénoncent tout en se prêtant à la mascarade.

Les uns et les autres se raccrochent maintenant à la proposition de loi du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) qui vise à abroger la réforme et devrait être soumise au vote le 8 juin à l’Assemblée. Un leurre parlementaire puisque même si une majorité de députés vote ce texte, il n’a aucune chance de franchir l’obstacle du Sénat, dominé par une droite favorable au report à 64 ans.

Quoi qu’il se passe au Parlement, le combat continue

Cependant le gouvernement s’inquiète et panique. Le vote de ce projet de loi serait, quoi qu’il en soit, un camouflet mettant en lumière sa faiblesse au moment où Macron s’échine à la masquer en saturant l’espace médiatique. « Il est assez irresponsable de la part d’un groupe parlementaire de laisser croire qu’on peut présenter une proposition de loi qui supprime 18 milliards de ressources et que cette proposition de loi pourrait prospérer », s’indigne la Première ministre en invoquant une nouvelle argutie constitutionnelle, l’article 40. Cette dernière permet de déclarer irrecevable toute proposition qui aurait « pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Son usage et ses modalités d’application ne semblent pas faire unanimité dans le camp présidentiel dont certains craignent que cette rouerie parlementaire ne les ridiculise encore plus. Le choix entre le camouflet et la baffe !

Pour Sophie Binet, il serait « gravissime que les députés soient encore une fois empêchés de voter sur cette réforme ». L’intersyndicale est unanime et appelle à une journée de mobilisation le 6. Oui, ce serait une nouvelle provocation du pouvoir dans son acharnement à faire marcher le pays à son pas pour servir les patrons et les riches, mais la réponse n’est pas à l’Assemblée mais bien sur les lieux de travail, les quartiers, la rue, elle dépend de notre capacité à mobiliser le 6 et pour cela et surtout à discuter d’une politique qui rompt avec le dialogue social et les illusions parlementaires, à nous en donner les moyens.

Pour le retrait, pour les salaires, non à l’économie de guerre, non à l’union nationale !

Poursuivre la mobilisation, c’est aussi l’élargir à la question de la lutte contre l’inflation, pour l’indexation des salaires sur la hausse des prix, c’est refuser de se rallier à l’économie de guerre dont Macron se fait le champion, là encore pour servir les intérêts non seulement de Thalès, Dassault and co mais de l’ensemble du patronat et des investisseurs.

À l’Assemblée nationale, le débat sur la loi de programmation militaire (LPM) vient de commencer. Elle prévoit 413 milliards d’euros sur six ans, 40 % de plus que la précédente. À quoi s’ajouteront les dépenses d’armement pour l’Ukraine, hors LPM et sans limite fixée ! La gauche y participe et s’y associe sans réserve.

C’est l’Union sacrée pour la guerre et ce que Macron appelle l’« économie de guerre » un thème objet d’un véritable tabou, une ligne jaune que personne n’ose ou ne veut franchir dans la gauche syndicale et parlementaire respectueuse de la politique de défense nationale même quand elle se confond avec une guerre où le peuple ukrainien sert de justification et d’armée pour le compte des USA et de l’Otan.

Il est pourtant évident que dans cette guerre l’État français ne cherche qu’à consolider ou défendre les positions de la bourgeoisie dans la concurrence mondiale. Le flot d’argent déversé en priorité pour l’armement participe de la misère à laquelle sont condamnés l’école publique, les hôpitaux, les services publics, le logement social.

La lutte pour nos droits, pour le retrait et les salaires n’est pas conciliable avec la moindre solidarité avec l’État et le gouvernement, la défense de leurs intérêts nationaux. Elle ne peut rester prisonnière de la politique de l’intersyndicale afin de mettre en œuvre une politique d’indépendance de classe. Il sera difficile d’inverser le cours du mouvement au soir du 6 juin, mais il nous appartient à toutes et tous de nous impliquer dans ce sens, d’en discuter dans nos organisations syndicales et au sein du mouvement, de nous engager, de prendre notre place dans l’organisation démocratique par en bas de notre lutte, la seule façon de préparer la suite.

Yvan Lemaitre

 

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn