Ce samedi, comme durant tout l’été, les manifestations contre le pass sanitaire se sont maintenues, exprimant une profonde colère contre la politique du gouvernement. Dans une situation pour le moins confuse, où directions syndicales comme partis de gauche sont incapables d’offrir une perspective à la contestation, l’extrême-droite tente de profiter de la situation. Préjugés antivaccins, chauvinisme, souverainisme, dénonciation des immigrés…, une politique d’autant plus médiatisée qu’elle sert les intérêts de Macron, en réduisant la contestation actuelle aux antivaccins.

Mais le mouvement s’élargit alors que le 30 août le pass sanitaire entre en vigueur dans une série d’entreprises et de services publics. Dans bien des endroits, des militants syndicaux, politiques, des salariés appellent à lutter contre sur d’autres bases que la « liberté individuelle », en se démarquant des antivax et autres complotistes. Ils défendent l’intérêt collectif, dénoncent le « pass licenciement » et la politique de police sanitaire de Macron comme les camarades de la CGT TUI, de Sud Poste 92, de Sud commerces et services... qui ont pris l'initiative d'appeler à constituer des pôles ouvriers lors des manifestations de samedi.

De même dans les hôpitaux, où des rassemblements ont eu lieu durant le mois d’août contre l’obligation vaccinale et contre le mépris du gouvernement qui stigmatise les soignant.e.s alors qu’il porte la responsabilité de la dégradation de leurs conditions de travail. Beaucoup dénoncent le risque de nouvelles démissions de salarié.es excédé.es par ces mesures, alors que le sous-effectif est déjà chronique au point que de nombreux services ont dû être fermés cet été comme tous les ans. Sans parler du tri particulièrement choquant des patients et des accompagnants à l’entrée des hôpitaux !

En opposition à ces contrôles par pass sanitaire, des bibliothécaires se sont mis en grève à Grenoble, Lyon, Toulouse, La Rochelle, pour défendre « l’accès à la culture ». Des syndicats de territoriaux appellent à des rassemblements et à des débrayages « pour l'égalité d'accès au service public » comme à Besançon.

Aux Galeries Lafayette à Paris, les syndicats CGT et Sud appellent à la grève le lundi 30 août, contre la décision de la direction d’exiger le pass sanitaire des clients et des salariés. Comme le dénonce un militant syndical : « l’employeur va se servir de ce prétexte pour faire des licenciements ».

Alors que Véran n’exclut pas une prolongation du pass au-delà du 15 novembre, « si le Covid ne disparaissait pas de nos vies dans les trois prochains mois », les salarié.e.s dénoncent cette politique de menace et de flicage. Politique qui exprime le mépris social de ce pouvoir, incapable d’imposer la moindre contrainte aux employeurs, et sans états d’âme pour user du chantage à l’emploi et au salaire contre les travailleurs, comme pour mettre les patrons en position de sanctionner, de licencier.

Macron mène la même politique réactionnaire, avec le même mépris de classe, lorsqu’il annonce à propos des réfugiés afghans, une initiative pour « anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants » ! Pas question de laisser à la droite et à l’extrême-droite le terrain des amalgames sordides entre les immigrés, les réfugiés, les terroristes !

Présidentielle oblige, la surenchère des déclarations racistes ne s’est pas fait attendre : Pécresse dénonce « l’aveuglement du président sur l’islamisme, l’immigration incontrôlée, l’insécurité, la laïcité », Bertrand « la naïveté confondante d’Emmanuel Macron sur l’islamisme »… Et Odoul, porte-parole du RN, se félicite : « C'est une victoire idéologique pour Marine Le Pen. Quand vous entendez Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, qui utilisent les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes idées que Marine Le Pen, ça montre bien qu'on a eu raison » !

Tout cela exprime l’évolution de ces politiciens, subjugués par le pouvoir et par les classes dominantes qu’ils servent, incapables de faire face à la crise de leur système, à la pandémie, de mettre en œuvre une politique un tant soit peu démocratique. Beaune, secrétaire d’État aux affaires européennes après avoir été au service du 1er ministre PS Ayrault sous Hollande, le dit clairement : « Il y a une fatigue démocratique en Europe. En France, on a besoin d’une parole présidentielle forte, d’une verticalité qui a l’avantage de l’efficacité. Le président de la République a sonné le rappel, en juillet, et dans l’heure un million de Français demandaient à se faire vacciner »… Gloire au chef !

La police sanitaire, seule politique du gouvernement

Mais face à l’évolution de la pandémie, ces méthodes de police sanitaire sont de plus en plus absurdes et inefficaces. Dans ce climat de suspicion, beaucoup refusent de donner les informations pour le traçage des cas contacts. De même, le gouvernement se prépare à rendre payant les tests PCR « de confort »… au risque de ne plus détecter suffisamment rapidement les évolutions de l’épidémie.

Aux Antilles, en Polynésie et en Guyane, face au variant Delta plus contagieux et aux hôpitaux saturés, la situation est devenue hors de contrôle, en particulier en Polynésie où les soignants ont dû trier les malades et pratiquer « une médecine de guerre ».

Là encore, le gouvernement a mené sa campagne contre ceux qui ne sont pas vaccinés… alors qu’en Polynésie par exemple, le manque de moyens logistiques pour vacciner la population est patent. De même aux Antilles, où une politique sanitaire exige des moyens supérieurs pour les hôpitaux et des relations démocratiques d’une autre nature avec la population qui a subi les ravages du chlordécone, un pesticide nocif, pendant des années : plus de 90 % de la population est contaminée sans que la moindre action en justice ait pu aller à son terme !

Mais même en métropole la situation est loin d’être rassurante, en particulier dans les écoles où les enseignant.e.s ont appris dans la presse le protocole choisi par le ministère pour la rentrée. Blanquer vante « l’école ouverte », il en a même fait un livre pour la rentrée : pas de jauge, ni de demi-groupe, ni distanciel malgré le variant Delta qui circule rapidement parmi les plus jeunes.

Mais c’est avant tout l’impréparation qui domine. Blanquer a ainsi fièrement annoncé son objectif de 600 000 tests salivaires hebdomadaires pour les élèves du primaire… Très loin du compte de l’épidémiologiste Fontanet, un des rédacteurs de la « note d’alerte » remise au gouvernement le 20 août sur les mesures à prendre à l’école, qui préconise un dépistage deux fois par semaine pour les 6,5 millions d’élèves dans le primaire !

De même, c’est le flou total sur les mesures envisagées pour les parents qui devront garder leurs enfants en cas de fermeture de classe en primaire, alors que le gouvernement veut en finir avec le chômage partiel.

Mais qu’importe, l’école doit être ouverte, les parents doivent aller au boulot, la machine à profit doit tourner pour l’intérêt des actionnaires. Le Maire le dit sur tous les tons en annonçant une croissance à 6 % : « l’économie se porte bien », une façon de préparer l’opinion à l’offensive des classes dominantes.

Une offensive pour les profits, « quoi qu’il en coûte »

Invité cette semaine à l’université d’été du Medef, Le Maire a déclaré : « Le “quoi qu’il en coûte”, nous en sommes déjà sortis, c’est fini », le gouvernement aidera au cas par cas, « mais pour le reste, que l’économie soit libre, qu’elle crée des emplois et de la richesse sans le soutien de l’Etat ».

Position défendue par De Bézieux, le patron du Medef, depuis des mois, car le « quoi qu’il en coûte » ne concerne pas les milliards déversés pour le grand patronat. Dès septembre, le gouvernement doit même remettre 30 milliards de plus dans un « plan d’investissement pour la France de 2030 » annoncé par Macron le 12 juillet.

Par contre, cette politique va directement impacter les salarié.e.s au chômage partiel, les artisans, les très petites entreprises, préparant le terrain à des fermetures et à une vague de licenciements. C’est à cette offensive que gouvernement et patronat se préparent, incluant les mesures contre l’assurance-chômage pour contraindre les salarié.e.s à prendre n’importe quel travail ou les attaques contre les retraites.

De Bézieux a ainsi déploré « un système d’assurance-chômage qui (…) décourage (…) la reprise du travail » et demandé que la réforme « soit mise en place le plus rapidement possible ». Sur les retraites, il a déclaré : « Le prochain président de la République devra reculer l’âge de départ à la retraite (…) dès septembre 2022 », après « l’avoir annoncé pendant la campagne ». « La richesse d’un pays est directement proportionnelle à la quantité de travail de ce pays. La France a besoin de travailler plus »… pour que les capitalistes s’enrichissent plus !

Reprise des profits et régression sociale

Cette politique se mène au niveau mondial, où partout les dividendes pleuvent. Entre avril et juin 2021, 471,7 milliards de dollars ont été distribués, soit une hausse de 26,3% par rapport à l'an dernier qui se rapproche du niveau de 2019.

En moyenne, les versements de dividendes mondiaux devraient croître cette année de 10,7 % par rapport à 2020 avec de fortes disparités selon les pays. Fait significatif, la France est championne pour soigner ses actionnaires, avec des dividendes totaux qui ont triplé par rapport à l'an dernier, sous l’impulsion du secteur bancaire !

C’est la ruée sur les dividendes, sur les milliards des différents plans de relance, le tout sur un océan de dettes.

Quant au « ruissellement » si souvent promis aux salarié.e.s, Le Maire y pense en cette période électorale, puisqu’il vient de « demander » au patronat « une meilleure rémunération pour ceux qui ont les revenus les plus faibles (…) La croissance doit profiter à tout le monde, même les plus faibles, même les moins qualifiés, tous ceux qui ont été aux avant-postes de la crise » !

Hypocrisie la plus totale de ce gouvernement qui s’attaque aux salaires dans la continuité de ses prédécesseurs. Même pas une augmentation significative du SMIC, ni du point d’indice de la fonction publique gelé depuis des années !

En fait, les profits rebondissent au détriment des salaires. En 2020, le revenu brut par ménage, a stagné et il a reculé de 0,6 % au premier trimestre 2021. Par contre, le taux de marge des entreprises a bondi au cours des trois premiers mois de 2021 à 36,1 %, un record absolu ! D’après l’Observatoire des inégalités, en 2020, les 10 % les plus riches touchent 7,1 fois plus que les 10 % les plus pauvres. Un chiffre qui n’a jamais été aussi élevé depuis vingt ans.

Pour une politique sanitaire et nos droits sociaux, s’attaquer au capitalisme

Cette semaine, Martinez a pris position en soutien des militants CGT qui défilent contre le pass sanitaire le samedi ou dans les différentes grèves et rassemblements. « Derrière cette colère, il y a en fait beaucoup d'autres colères qui s'expriment. Des problèmes sociaux ne sont pas encore réglés ».

Mais il n’y a toujours pas de plan de bataille face à l’offensive globale du gouvernement et du patronat. Devant la colère qui s’exprime plus largement, une intersyndicale est prévue le 30 août… pour préparer la journée du 5 octobre ! Par contre, toutes les directions des grandes confédérations se préparent à être reçues une par une, par Castex le 1er et 2 septembre, bien intégrées à la stratégie de communication et de « dialogue social » du gouvernement.

Cette même gauche syndicale et politique se retrouve dans le collectif « Plus jamais ça », regroupant des associations et des syndicats et qui vient de sortir un « plan de rupture », recensant 36 mesures pour faire face à la situation.

Le préambule est éclairant de la volonté politique des rédacteurs : « A la veille de nouvelles échéances électorales déterminantes, ces propositions ont vocation à alimenter les débats, nos mobilisations et à proposer des solutions réalistes qui répondent aux urgences tant sociales qu’environnementales (…). Il s’agit d’amener la population à convertir sa juste colère ou son légitime désarroi en un acte politique ».

Un plan pour un gouvernement « de gauche » qui romprait avec « cette idéologie dévastatrice » ! Mais il ne s’agit pas d’idéologie, mais de classes dominantes bien concrètes qui ne connaissent qu’une politique, celle de l’offensive pour défendre leurs privilèges. Cette même classe capitaliste que la gauche et ses anciens ministres ont servie au pouvoir, en menant la guerre aux peuples en Afghanistan ou contre les travailleurs par la loi travail. Cette gauche institutionnelle prise dans ses calculs et rivalités pour le pouvoir entre la primaire de EELV, les candidatures de Mélenchon, Roussel, Hidalgo ou même de Montebourg.

La situation exige une tout autre politique que ces vieilles recettes de marchands d’illusions, dans lesquelles les travailleurs, les jeunes ne se reconnaissent plus. Face à la pandémie comme face aux licenciements et aux mauvais coups qui se préparent, il nous faut prendre le mal à la racine : s’en prendre aux capitalistes, aux intérêts privés de la finance, du CAC 40 ; contester le droit des capitalistes de soutirer leurs dividendes et de décider ce qui doit être produit et comment ; imposer le contrôle démocratique par ceux qui produisent tout dans cette société.

Laurent Delage

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