« Sur le plan sanitaire, les nouvelles sont bonnes », se félicitait, sans gêne, le Premier ministre jeudi dernier en présentant la phase 2 du déconfinement. « Mais, ajoutait-il, gardons en tête que s’ouvre aujourd’hui un nouveau front et que le pays va devoir se battre contre l’impact d’une récession historique. ». Philippe nous refait le coup de la guerre et de l’union nationale, comme si le gouvernement avait fait autre chose depuis le début de l’épidémie que mener la guerre à la population pour servir les seuls intérêts du capital. Dans le confinement comme dans le déconfinement et la débâcle économique qui s’annonce, c’est la même hypocrisie qui prétend servir les intérêts communs de toute la population pour tenter de faire accepter une politique égoïste de classe.

La démagogie des imposteurs au pouvoir ne résiste pas à la réalité, aux faits. Leur politique, c’est les 5 milliards de prêts bancaires accordés à Renault non seulement sans la moindre contre-partie pour les salariés mais avec 4600 licenciements en France et 15000 dans le monde à la clé ! Des subventions aux grands groupes capitalistes pour les aider à licencier ! Les salariés de l’usine du groupe à Maubeuge ou des Fonderies de Bretagne ne s’y sont pas trompés en faisant grève et en manifestant massivement dès l’annonce de ce mauvais coup.

Leur politique, c’est aussi, au nom du risque sanitaire -quelle hypocrisie- l’interdiction de la Marche des Solidarités samedi dernier qui a réussi à se tenir et a rassemblé des milliers de sans-papiers, de migrants et de militants qui ont imposé leur droit à manifester malgré les violences policières.

Face à la guerre de classe menée par le patronat et son gouvernement, les travailleurs n’ont pas de raison de se résigner ni de se démoraliser. Leur solidarité, leur union dans la lutte, eux qui sont indispensables à la vie du pays, peut inverser le rapport de force. Il n’y a aucune fatalité dans les licenciements et l’explosion du chômage. Patrons et gouvernement croient que le rapport de force leur est favorable, à nous d’inverser le cours des choses.

Des milliards pour que Renault licencie… Une guerre de classe

« Tout le monde se souvient de ce dessin animé de Tex Avery, ironisait Jacques Attali, fin connaisseur cynique du capitalisme, le 21 mai dernier, dans lequel un personnage, poursuivi par un autre, dépasse en courant le bord d’une falaise, continue de courir, emporté par son élan, reste un moment en suspens dans le vide, tout occupé à sa poursuite, jusqu’à comprendre qu’il n’a plus de sol sous ses pieds, et tombe comme une pierre. » L’image vaut pour la politique des classes dominantes qui veulent faire croire à leur plan de relance, un mirage alors que toute l’économie capitaliste est au bord de la faillite, suspendue au bord de l’effondrement. Ils voudraient ainsi justifier les aides financières et les licenciements qui n’ont qu’un objectif, sauver au maximum les profits.

Les centaines de milliards de dollars ou d’euros injectés par les banques centrales dans l’économie et les circuits financiers masquent encore l’ampleur de la débâcle à venir. Aux États-Unis, près d’un quart de la population va perdre son emploi, en France, une entreprise sur 4 envisage de licencier.

Le nombre des chômeurs de la catégorie A, n’ayant aucune activité, a déjà bondi en avril de 22 %, 843 000 de plus qu’en mars, et il atteint -sans compter tous ceux qui ont été radiés- 4,57 millions. La plupart de ces nouveaux inscrits sont des salariés en intérim, en CDD ou autres contrats précaires qui du jour au lendemain se sont trouvés au chômage et sans aucun revenu. Les associations qui assurent des distributions alimentaires d’urgence sont aujourd’hui débordées.

Toutes les grandes entreprises annoncent des plans massifs de licenciements. Renault l’a fait le lendemain de l’intervention de Philippe. Le gouvernement qui a promis au groupe automobile un « prêt » de 5 milliards d’euros alors que Renault a cumulé plus de 20 milliards d’euros de bénéfices sur les 10 dernières années, a fait mine de s’en indigner. Une indignation feinte pour atténuer la brutalité de la politique de l’État qui détient 15 % des actions du groupe, Le Maire a vite apporté son soutien à Senard, le patron de Renault : « il faut laisser à Renault la possibilité d’ajuster son outil de production, d’être plus compétitif, parce que sinon Renault sera menacé ». Un vulgaire chantage contre les salariés.

Face à l’offensive du patronat et du gouvernement...

Non seulement cette politique de relance accompagne une réorganisation de la production en fonction de la seule rentabilité financière mais c’est bien toute la politique du gouvernement qui est soumise à cet objectif. Il y a un véritable chantage au chômage pour toute faire accepter aux travailleurs.

La loi d’urgence sanitaire a donné aux patrons la possibilité d’allonger le temps de travail jusqu’à 60 heures par semaine et de faire passer des RTT, du compte épargne temps ou des congés en temps de confinement. 300 milliards de prêts bancaires garantis par l’État ont été distribués au patronat, et 110 milliards pour le remboursement du chômage partiel ou le report, voire l’annulation du paiement des cotisations sociales. L’État n’est pas regardant, du moins avec les patrons, dont certains ont continué à faire travailler leurs salariés tout en les déclarant au chômage partiel, une fraude évaluée à 6 milliards d’euros.

Air France qui perçoit 7 milliards d’euros a déjà annoncé qu’il allait supprimer des centaines de postes. La compagnie aérienne, comme ses concurrentes dans le monde, a démultiplié son trafic depuis 10 ans… et ses bénéfices aussi. Pour l’heure son PDG s’apprête à toucher un bonus de 800 000 euros.

Le géant de la pharmacie Sanofi qui s’est engagé à réserver la priorité du vaccin contre le Covid aux États-Unis parce que ceux-ci financent ses recherches, se vante de ne pas demander d’aides auprès de l’État. Sauf qu’il en bénéficie déjà sous la forme d’un crédit impôt recherche qui subventionne une grosse partie de ses dépenses et que c’est un des principaux bénéficiaires de la Sécurité sociale. Les 7 milliards de profits réalisés l’an dernier -dont 4 milliards de dividendes versés à ses actionnaires- l’ont été en grande partie grâce à la vente de Doliprane.

« L’argent magique » existe donc bel et bien, contrairement à ce que Macron et ses ministres ne cessent d’opposer aux travailleurs de la Santé.

En moins d’une semaine, la grand-messe « du Ségur » apparaît comme une véritable fumisterie. Rien de chiffré ni de clair sur les revalorisations salariales promises, sur les réouvertures et créations nouvelles de lits, sur les embauches, mais la mise en œuvre du plan Hôpital 2022 lancé bien avant la crise sanitaire et la remise en cause des 35 heures. Les personnels de la santé ont manifesté leur absence d’illusions et leur révolte à travers les rassemblements de plus en plus nombreux des mardis ou des jeudis de la colère, la grève des salariés des Ehpad du groupe Korian lundi dernier, la prise en main par nombre d’équipes militantes de la préparation de la journée du 16 juin.

… Un plan d’urgence sociale et démocratique

Ponts d’or pour les capitalistes, fermetures d’entreprises, attaques tous azimuts contre les travailleurs, licenciements et chantage aux licenciements pour baisser les salaires… Face au cataclysme social qui s’annonce, éviter le pire veut dire imposer au gouvernement et aux capitalistes l’interdiction des licenciements, le partage du travail entre toutes et tous avec réduction du temps de travail, l’augmentation générale des salaires de 300 euros, pas de salaire net inférieur à 1700 euros, des embauches massives dans les services publics.

Garantir ce minimum indispensable pour répondre aux besoins fondamentaux dépendra de notre capacité, nous les travailleurs, la jeunesse, la population à intervenir à tous les niveaux pour changer le rapport de force.

Il n’y a pas de lois « naturelles » de l’économie qui en système capitaliste est la lutte pour le profit qui soumet l’organisation de la production et des échanges à la politique des classes dominantes pour s’approprier la plus grosse part possible des richesses produites par les travailleurs.

La répartition de ces richesses, la façon de les produire dépend du rapport de force entre les classes. C’est bien pourquoi rien n’est écrit. Ce n’est pas la pandémie la cause des licenciements mais la rapacité aveugle du capital.

Lutter pour changer ce rapport de force en notre faveur implique de ne pas craindre de rompre avec l’ordre établi, la domination du CAC40, de ne rien attendre du jeu de dupe du dialogue social.

La seule issue à la faillite des classes dominantes est que le monde du travail prenne en main l’économie, mette les banques et la finance hors d’état de nuire en les expropriant pour créer un monopole public bancaire, annule la dette publique, celle des toutes petites entreprises ou des travailleurs indépendants, des plus pauvres.  

L’issue à la « récession historique » dépend de l’intervention autonome et directe du monde du travail, dans toute sa diversité, à tous les niveaux. En généralisant et prolongeant en l’étendant à toute la vie sociale ce que les équipes de salariés dans les hôpitaux, les cliniques ou les Ehpad ont fait pendant la crise sanitaire pour éviter le pire en mutualisant les maigres moyens en matériel et en personnel sans se laisser paralyser par l’inertie et l’incurie du gouvernement, des ARS, des directions. Ou les salariés qui ont fait respecter les conditions de sécurité dans les entreprises et parfois, imposé des productions utiles. Aujourd’hui en prenant en main la lutte contre les licenciements pour garantir à toutes et tous un emploi en ne comptant que sur notre force, notre organisation, notre détermination.

Celles et ceux qui font tourner la machine économique et la société ont toute légitimité à imposer leurs droits comme leur contrôle démocratique.

Galia Trépère

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