Macron, après avoir mis en déroute sa propre majorité, envisagé de gouverner avec Bardella Premier ministre et le RN avec lequel ses amis organisaient des dîners mondains, aujourd’hui rejeté et sans majorité, rêve encore de jouer au chef de la nation au-dessus des partis. En vol vers des sommets plus lointains, celui de l’Otan à Washington, il s’est adressé au bon peuple de France pour tenter de convaincre qu’il dirigeait encore… Une lettre, chapelet de formules toutes faites et de mots creux, dans laquelle, sans rire, il invite les « forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines » à « bâtir une majorité solide », « une majorité nécessairement plurielle » annonçant qu’il nommera un nouveau Premier ministre lorsque les partis auront construit des « compromis » ce qui suppose de leur laisser « un peu de temps »… Attal reste donc Premier ministre tout en devenant chef du groupe parlementaire Renaissance avant d’être peut-être démissionné mardi prochain...
Le plus cynique de l’affaire est que le même Macron a convoqué des législatives pour, disait-il, « redonner la parole au peuple » mais de toute évidence le verdict populaire ne lui plaît pas, donc il joue le pourrissement accusant, en même temps, les députés de sa propre minorité de donner un « spectacle désastreux » ! Un vrai boss !
Pourtant le Front populaire ne manque pas d’entrain ni de candidat·es pour former un gouvernement et assurer la fonction de première ou premier ministre dans le cadre d’une cohabitation. « Ce soir, nous avons gagné et maintenant nous allons gouverner ! » déclarait dès le soir du deuxième tour Marine Tondelier après les propos de Mélenchon : « Le président doit s’incliner et admettre cette défaite sans tenter de la contourner. Le Premier ministre doit s’en aller », « Le président a le pouvoir, a le devoir d’appeler le Nouveau Front populaire à gouverner ». Le NFP n’a cependant toujours pas désigné son premier ministre...
Les macronistes quant à eux ne savent plus trop à quel saint se vouer. Les uns espèrent une « coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement » alors que d’autres reprennent à leur compte l’annonce de Larcher, le président du Sénat qui, se faisant le porte-parole de Macron, s’oppose à la nomination d’un premier ministre NFP… Leur démocratie à l’œuvre !
Pour le monde du travail, il s’agit de se rassembler et d’agir pour formuler ses exigences et discuter des moyens de les faire valoir, quel que soit le gouvernement plutôt que de manifester pour « exiger la mise en place d’un gouvernement issu du Nouveau Front populaire .»
Une démocratie contre le monde du travail
La cacophonie parlementaire, la mascarade des alliances et autres projets de coalition entretient la méfiance vis-à-vis des composantes du Front populaire, l’hostilité à Macron et au système alors que l’extrême droite flatte les déceptions de ses électeurs en lui promettant la victoire pour la présidentielle. Les tractations et autres marchandages sont déterminés au fond par les ambitions présidentielles des principales écuries politiciennes, toutes et tous pensent à 2027 en se demandant comment tenir jusque-là !
L’après élections, les esprits tranquillisés d’avoir évité le pire, vient renforcer le rejet croissant du système. De l’abstention massive des européennes à la mobilisation massive contre le RN en passant par le quiproquo du vote RN, dévoiement de la colère contre Macron et la gauche par les pires ennemis des travailleurs, tout aussi empressés de servir les classes dominantes et leur république que leurs rivaux coalisés ou pas, tout converge confusément contre le système. Une situation ingouvernable dont l’équation consiste pour les partis parlementaires à faire rentrer le rejet du système dans le système lui-même pour garantir l’ordre.
En toile de fond de cette comédie parlementaire, le Medef ne perd pas le nord pour exiger que la politique économique menée depuis neuf ans « se poursuive et s’amplifie car elle est la bonne réponse pour affronter les défis… ». Et d’encourager Macron « à faire le choix du pays plutôt que celui des intérêts partisans ». Qu’importe qui, pourvu que l’ordre règne et que le pouvoir les serve !
La minorité pille et concentre entre ses mains les richesses
Une enquête publiée par la banque UBS vient de rendre publique l’augmentation du nombre de millionnaires dans ce pays. Ils sont en 2023, 2 868 031 à avoir une fortune supérieure à 1 million de dollars, monnaie de base, soit 47 000 de plus qu’en 2022. La France se classe au quatrième rang mondial derrière les USA, la Chine et la Grande Bretagne.
A l’opposé, il y a 9,1 millions de pauvres dans ce pays, contraints de survivre avec moins de 1 216 euros par mois pour une personne seule, selon les dernières statistiques publiées par l’INSEE.
Les riches et autres privilégiés concentrent une part toujours plus importante des richesses produites au détriment de toute la population et en particulier des plus défavorisés.
La crise politique qui explose est l’expression sur le terrain des institutions de la crise sociale qui grandit de par la logique absurde de cette société de classe. Les politiciens en rivalité pour les places et les sinécures sont bien incapables d’y remédier puisqu’il faudrait pour cela qu’ils remettent en cause le pouvoir de la finance et des classes dominantes, l’ordre social qu’ils veulent servir.
Il faut mettre un coup d’arrêt à cette folle logique qui ruine la société et détruit la nature, cette politique économique destructrice que défend et veut imposer le Medef et la minorité du CAC 40.
La démocratie réelle a pour condition d’en finir avec les inégalités et l’aristocratie financière qui a la main sur le pays soumis à sa volonté, de briser la dictature du capital. Une nouvelle révolution s’annonce.
Elle commence par le retrait de la loi Macron sur la retraite à 64 ans, des réformes sur l’assurance-chômage, de la loi Immigration ; par la lutte pour l’augmentation générale des salaires, retraites, pensions, minima sociaux, et leur indexation sur le coût de la vie, le rattrapage du pouvoir d’achat ; la garantie d’un emploi pour toutes et tous par la répartition du travail et l’interdiction des licenciements ; des logements dignes et accessibles, des services publics rétablis dans toutes les villes, les quartiers et les campagnes, le respect des droits démocratiques de toutes et tous. Mettre un terme à la casse des services publics, des hôpitaux, de l’école, de la culture, et pour cela prendre l’argent où il est, dans les montagnes des profits capitalistes et des dividendes qui ne cessent de croître. Dans les aides et subventions, crédits accordés au grand patronat et dans les crédits accordés à la guerre et au réarmement militaire décidé par Macron.
La démocratie, la nôtre, c’est la libération des militants indépendantistes kanaks emprisonnés et déportés en France, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est une politique fondée sur la coopération et la solidarité des peuples.
Cela ne peut d’aucune façon dépendre de la gauche unie ou divisée. Personne de sensé ne peut penser qu’elle appliquera son programme aussi timoré soit-il. Les transformations indispensables ne peuvent être que l’œuvre des intéressé·es elles et eux-mêmes.
A la majorité absolue d’imposer sa démocratie, c’est nous qui devons décider
La majorité absolue, ce sont les 99 % contre les 1 %, le monde du travail contre la minorité qui l’exploite. Des millions de jeunes, de travailleurs, de femmes ont été capables de se mobiliser contre le RN, ils sont tout aussi capables de se mobiliser pour leurs propres intérêts, de se coaliser entre elles et eux pour constituer non un front populaire parlementaire et électoral, mais un front démocratique pour faire valoir leurs droits, c’est-à-dire remettre en cause le pouvoir d’une minorité, d’une toute petite aristocratie de la finance aux privilèges exorbitants.
Les appareils syndicaux voudraient les mettre à la remorque des partis de la gauche parlementaire, les cantonner aux luttes revendicatives, les enfermer dans le cadre du dialogue social. C’est une impasse dont il faut sortir en prenant nos affaires en main, en faisant de la politique, en nous organisant démocratiquement dans un front de classe, un front pour faire respecter les droits collectifs contre une minorité parasite.
Un front pour refuser leur guerre et d’en payer le prix, construire un monde fondé sur la coopération.
Un front contre le gaspillage d’un mode de production et d’échange qui sacrifie les hommes et la nature à la course à la rentabilité du capital, à une concurrence aveugle et destructrice dont le corollaire est la militarisation.
Un front pour contrôler la marche de l’économie et de la société, pour le pouvoir des travailleur·es, de celles et ceux qui produisent toutes les richesses de cette société et doivent décider et contrôler.
Ni nationalisme, ni racisme, notre camp de classe
La lutte pour la liberté, la démocratie pour l’émancipation ne peut se laisser enfermer dans les prisons des frontières, elle est internationale. Elle est la lutte de toute l’humanité contre les forces réactionnaires qui voudraient soumettre le monde du travail en le divisant, l’aveuglant par la haine de l’autre au moyen des préjugés chauvins, xénophobes et racistes, sexistes.
Refuser de se laisser piéger par la politique du bouc-émissaire qui désigne à la vindicte populaire les victimes du système, les plus faibles, accusé·es de tous les maux pour lâchement refuser de voir la vérité en face et se laisser détourner des vrais responsables, ceux qui ont le pouvoir et dirigent la société.
Il n’y a pas d’issue dans la haine et l’aveuglement, dans les divisions et la capitulation devant la démagogie raciste et nationaliste pas plus que dans le jeu de dupes de croire aux discours des marchands d’illusions quelle que soit leur couleur politique.
Le chemin, c’est la solidarité de classe contre l’union nationale, c’est-à-dire l’union entre dominants et dominé·es, exploité·es et exploiteurs, l’acceptation volontaire de sa soumission et de son oppression à laquelle les partis parlementaires nous invitent à condition qu’ils en soient les bénéficiaires.
Contre l’union nationale, l’union des travailleur.es, c’est à cette union qu’appelaient les candidat·es révolutionnaires tant aux élections européennes qu’au premier tour des législatives, cette union dont ils se veulent les artisans au sein du mouvement qu’a provoqué le refus de voir le RN de Bardella et Le Pen prendre le gouvernement. Ce mouvement s’inscrit dans la continuité des mobilisations qui ont secoué le pays depuis la lutte en 2016 contre la loi travail de Hollande jusqu’au mouvement de l’an dernier contre la réforme des retraites en passant par celui des gilets jaunes. Il ne peut se retrouver dans aucun gouvernement de droite, de gauche ou de coalition et de cohabitation.
Il est le mouvement de celles et ceux qui font tourner la société et qui devraient la diriger. C’est lui qui porte la réponse à la faillite du capitalisme et au désordre institutionnel qu’elle engendre.
Cela implique une rupture démocratique et révolutionnaire avec le capitalisme et les politiciens qui le servent pour nous organiser dans nos propres assemblées pour élaborer notre propre politique, défendre nos droits, organiser la solidarité et les luttes et postuler au pouvoir, un gouvernement par et pour les travailleur·es.
Yvan Lemaitre